Très matinal, j'attends malgré tout le signal du départ.
Encore allongé sur un plan quelconque de la maison,
Je patiente.

Je cogite, le temps que dans la maisonnée,
S'accomplissent un petit déjeuner, une douche
Et autres petites obligations quotidiennes.

J'attends, ordonnant dans ma tête
Les mille et une inspirations de la nuit
Que l'on va enfourner dans mes pensées carnivores.

Puis je commence à trépigner. Ma patience a des limites.
C'est alors qu'elle vient à ma rencontre. Enfin.
L'objet de mes désirs vient s'allonger près de moi.

Subitement, je me redresse, la mine réjouie.
Je m'avance doucement vers elle
Et je commence à glisser sur sa surface glacée.

Ligne après ligne. Espace après espace.
La pâleur de ses débuts commence à se teinter de noir
Sous l'ardeur de mes rayons anthracite.

Avec une frénésie mal contenue, je l'habille avec les mots
Qui s'écoulent de mon corps tubulaire.
Me nourrissant au bout des doigts de mon maître.

Eux-mêmes alimentés par ses pensées en gestation
Et elles-mêmes prêtes à délivrer leur inspiration,
Sur le drap blanc posé sur la table de travail.

Je glisse, je virevolte. De long en large, de gauche à droite.
Parfois je m'efface, pour revenir de plus belle.
Je m'use la face avec conscience et grand plaisir.
Au gré des pleins et des déliés,
Que je matérialise sous l'œil attentionné de mon maître.

Puis au bout de quelques dizaines de mètres de marche,
À travers l'espace quadrillé, je me repose. Bien sagement.
Le temps de transfuser le sang de mes réflexions
Dans cet ordinateur glouton.

Cette mécanique qui va pousser mon travail manuel,
Dans la corbeille à papiers.

Puis je reste allongé de tout mon long.
Déjà dans l'attente d'une nouvelle compagne.
Pâle comme une inspiration en mal de vivre.
Avant de la regarder se froisser à nouveau
Et choir dans le panier en osier posé à nos pieds.

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