La mèche de cheveux
En prétendant ranger, parmi ses affaires, quelques objets lui ayant appartenu, j’ai retrouvé une grande mèche de cheveux qu’une main malhabile avait fébrilement enveloppée dans un papier de soie.
J’ai soudain éprouvé le sentiment d’accomplir une bien étrange cérémonie du souvenir et de commémorer seul, à ma manière, un triste anniversaire.
Rappelez-vous, c’était il y a 18 ans :
Pour qu’elle puisse se reposer, et ne déranger personne, la porte de sa chambre était maintenue fermée.
Mais on pouvait d’un seul regard en franchir aisément le seuil et s’évader.
Car au-delà de cette porte s’allongeait un long couloir qui s’ouvrait sur la lumière. Et la lumière, c’était la vie. La vie parfois si douce et agréable, et, parfois, comme ce soir-là , si dure et impitoyable.
Ses yeux s’étaient enfoncés dans la nuit et ne voyaient plus.
Son souffle se faisait si rare et si faible qu’il n’aurait pu faire vaciller la flamme fragile et éphémère d’une bougie. Pourtant, ce souffle semblait encore la relier à la vie, comme si la vie ne tenait qu’à un fil, si ténu soit-il.
Puis elle est partie dans un léger soupir, sans me laisser le temps de l’accompagner un seul instant sur son chemin d’Eternité, vers la lumière à laquelle elle croyait.
La lueur blafarde d’une veilleuse estompait dans une aura diaphane l’extrême pâleur de son front abandonné aux contours incertains de ses cheveux noirs qui, épars, flottaient comme une ombre autour de son visage.
Ceux qui savaient la vérité restaient silencieux ou bien se pinçaient les lèvres pour retenir une larme. D’autres détournaient la tête quand, la veille, comme pour les rassurer, elle leur répétait sans cesse, avec fierté, que ses cheveux, ses beaux cheveux noirs…elle avait eu la chance de ne pas les avoir perdus.
Krisfi
(à la mémoire de ma femme)
----------------
Toutes les choses ont leur mystère, et la poésie, c'est le mystère des choses !
(Frederico GARCĂŤA LORCA)