L'île de Sein surgit dans la bruine tenace
Un temps à réveiller les marins trépassés
Et le vaisseau gémit sous les lourdes rafales
D'un vent à décoiffer les tours et les clochers.

L'océan chaviré par le souffle infernal
Ouvre ses noires entrailles où rodent les gorgones
Sous la proue du vaisseau qui agite un fanal
Au rythme du tocsin des églises qui sonne.

Et les vieilles Sénanes massées au littoral
Mères de ces marins engloutis par les flots
Tournent leurs chapelets guettant l'instant fatal
Où le vaisseau vaincu glissera sous les eaux.

Le vent redouble encore et lève des montagnes
D'eau et de débris au rivage arrachés
Et le vaisseau fourbu d'une si forte hargne
Dresse aux cieux amers ses moignons déchirés.

Enfin le vieux vaisseau anticipant le drame
Où le monstre figé ainsi qu'un torero
Pointera sur son front sa flamboyante lame
Se couche sur le flanc et sombre dans les flots.

Alors près des calvaires où la rumeur s'est tu
Les tritons grimaçants, les gargouilles en pierre
Versent comme à regret sur le vaisseau vaincu
Les larmes de la pluie que l'océan libère.

Shangaan