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NON ! NON !
Ce cri était sorti de sa gorge sans qu’elle puisse le contrôler. Une stupeur soudaine marquait son visage car elle ne pouvait croire que c’était elle qui l’avait prononcé. Et pourtant, elle l’avait crié plus qu’elle ne l’avait dit. Comme un sentiment de révolte, un refus définitif de tout ce qui l’avait obligée jusqu’à cet instant.
Habituée à l’obéissance depuis sa plus tendre enfance, elle subissait sans trop de contrainte ce qu’on lui imposait, même si quelquefois elle avait pensé différemment. Oui, merci… Oui, je veux bien…. Oui …, OUI, tout le temps. Elle y avait trouvé un certain plaisir, même une évidente complaisance à se laisser ainsi manœuvrer malgré qu’elle soit entrée dans l’adolescence depuis plusieurs années. Aucun sentiment de refus, encore moins de révolte ne lui étaient venus à l’esprit. Ce mot ne faisait pas partie de son vocabulaire. Avait-elle rêvée, était-ce un fruit de son imagination, un cauchemar dont il fallait qu’elle s’éveilla au plus vite.
Non, elle n’en était pas sûre. Et voilà qu’elle prononçait pour la deuxième fois ce mot dont on lui refusait l’usage, cet interdit dont la consonance ne blessait même pas ses oreilles. Il était pourtant bien plus joli à entendre que ce « oui », c’est assemblage de trois voyelles qui vous déforme la bouche en mouvements contradictoires pour le prononcer avec son « i » final qui vous fait pincer les lèvres en un rictus incontrôlé. Non, Non, NON, elle le répétait maintenant à satiété, face à un miroir qui lui renvoyait l’image d’une bouche arrondie comme pour goûter à un fruit délicieux. Ce dont elle ne se doutait pas, c’est que ce simple mot venait d’ouvrir la serrure de la contradiction, d’ouvrir les portes du refus, de la désobéissance avec toutes ses contraintes. Un sésame insignifiant pourtant lourd de conséquence quand on l’utilise abusivement. A peine est-on entré dans son monde que sa porte se referme et rend solitaire celui qui le pratique. C’est ce qu’elle découvrit en l’utilisant sans raison comme un nouveau jouet dont on n’a pas pris la peine de lire le mode d’utilisation avant de s’en servir.
Elle le regrette mais c’est trop tard. Il faut qu’elle fasse avec. L’utiliser pour ce qu’il est, car s’il n’est à l’origine que négatif, il peut quand même être employé plus cordialement que son opposé. Un « Non, merci » n’est-il pas plus sympathique et mieux accepté qu’un « Oui, peut-être » qui laisse en suspens une interprétation dans une valeur souvent éloignée de la franchise.
Trop jeune encore pour le discerner, elle venait tout juste de franchir ce premier pas, celui qui conduit à l’indépendance, parfois à l’insolence, mais plus sûrement à la solitude et à l'enfermement sur soi.
Chibani
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