Le square était vêtu de son duvet d'hiver.
Au pied de l'arbre seul, parmi les feuilles mortes
Et les derniers rayons d'un ciel pâle mais clair,
Assis, le chien veillait en regardant les portes.

Le bruit du train l'avait sorti de son abri :
Sous le châssis rouillé d'une vieille voiture
Abandonnée au temps, et bien que fort maigri
Il attendait posé, droit comme une sculpture.

Son maître était parti sans revenir, un jour :
La mort, brutalement bouleverse et sépare,
L'animal espérait chaque soir son retour
Depuis longtemps déjà, prostré devant la gare.

Loin de l'argumentaire humain de la raison,
Hatchi, déterminé par son âme ingénue,
N'appréhendant jamais ce vide à l'horizon
Guettait obstinément l'apparence connue.

Qu'il était pathétique à tous les riverains
De le voir arriver comme une sentinelle,
Imperturbablement, sans se tromper de trains,
Malgré l'espoir déçu de l'absence éternelle.

Un jour il ne vint pas, sa sphère s'alarmant
De ne plus percevoir son ombre familière
Le découvrit couché, mort naturellement
Après plus de neuf ans d'attente singulière.

Il avait retrouvé son maître tant chéri,
Enfin, loin de la gare et dans un autre monde,
Mais qu'importe l'espace infertile ou fleuri
S'il permet de revivre une amitié profonde.

Devant tant de courage et de fidélité,
Et pour le souvenir de cette belle histoire,
Les gens dans un élan de solidarité
Dressèrent sa statue, en bronze, sur le square.