Est-ce toi, Erato, qui vient me visiter
Comme autrefois au temps où j'étais jeune et beau ?
Aujourd'hui je te vois passer et m'éviter
Maintenant que je suis au seuil de mon tombeau.
Dès mes plus jeunes ans tu es venue vers moi
Suscitant dans mon for de multiples émois.
Ta longue robe blanche était immaculée
Et ton front serein ceint de myrtes et de fleurs.
Parmi les flèches d'or que portait ton carquois
D'un geste triomphant et sans doute narquois
Tu en pris une afin de me percer le coeur,
Et tu es devenue ma muse tant chérie,
Ma lumière, mon ombre, ma fidèle égérie .
Lors, au travers de moi tu donnas libres cours
A tes phantasmes, fantaisies, rêves d'amour.
Tu t'es servi de moi pour libérer ton coeur,
Tu m'a dicté des vers de haines et de peurs;
Des sonnets, des pamphlets, des poèmes lyriques
ET même quelquefois des écrits érotiques.
Mais j'ai vieilli. Un jour tu n'es pas revenue.
Le temps est arrivé où je ne t'attends plus
Parce qu'il t'a fallu de plus jeunes amants
Dans la force de l'âge, amoureux et charmants,
Asservis comme moi et devenus dociles
Afin qu'à travers eux tu déverses ta bile.
La page sous mes doigts est blanche désormais
Puisque tu m'a quitté, Erato que j'aimais.