Ayant une coupure au bout du petit doigt
Je me dirige vers la boite aux pansements.
Je m’en saisis… je l’ouvre…et… diable ! Je ne vois
Rien… je regarde mieux : rien ! Désespérément…

Le mystère est entier, la boite étant d’hier.
Cinquante pansements ! Bah… je mets un coton
Sur la plaie. Quand soudain, ma fille arrive… fière :
« Mes animaux, papa, viens voir, tous les moutons,

Les girafes, les chats, les chiens, les éléphants,
Je les ai tous soignés, mais après, je les range. »
Bougre ! La liste est longue : autruches, lapins, faons,
Et d’autres que j’oublie… et ma fille est aux anges !

Cinquante pansements pour tous ses animaux !
C’est son cœur bienveillant qu’elle a mis à l’ouvrage,
Pensant panser ainsi les peines et les maux
De ses petits amis, compagnons du jeune âge.

Cinquante pansements ne pouvant plus servir !
Et ma plaie qui soudain se remet à saigner…
Devais-je la gronder ? Hausser la voix, sévir ?
Sa faute n’est pas grande : elle a voulu soigner !

Elle a voulu soigner ! Que pouvais-je donc dire ?
Cinquante pansements… oui… bon… peut-être… enfin…
D’autant plus qu’elle ajoute avec un doux sourire :
« Je leur donne à manger car je crois qu’ils ont faim… »

Jeunesse généreuse ! Arc-en-ciel qui s’allume !
Le geste est noble, grand, le geste vous désarme,
Même le vieil Hugo eût fait pleurer sa plume :
Je n’ai pas son talent, mais j’ai beaucoup de larmes…