Vous vous souviendrez
De l’escalier en calimaçon
Les portes maculer des graffiti sans sens
Vous sous souviendrez
La cocotte minute sur le poêle
La gamelle du chien qui dort près du réfrigérateur
Vous vous souviendrez de la fenêtre qui donne dans la rue
Le bruit des motos et des voitures
Le cri d’une mère

Vous vous souviendrez
De l’atmosphère étrange et bizarre
De l’avoir trop bien vécu

La télévision constamment allumée
Dans le salon à quatre chaises
La nappe au-dessus
Impeccablement repassée
Les meubles carrés
Les cadres et les photographies de toute la famille
pendus au-dessus du meuble carré
Le cendrier à roulette
Toujours plein de mégots
Vous vous rappelez
Votre visage dans la glace des toilettes
De la salle de bain toujours froide
De la baignoire au sabot
Et tout à côté le bidet
Sous vous souvenez
Des mains si propres avec un savon ovale
Toujours identique à lui-même

Après le salon
L’escalier pour descendre à la cave vous vous souviendrez
De la peur d’aller chercher du vin
Le plafond qui moisi
L’odeur fade constamment
Les murs qui suintent d’eau gelée
Vous vous souviendrez

Vous vous souviendrez
De la chambre à coucher
Du lit
Impeccablement carré
Comme un linceul
De drap blanc hôpital
De la massivité de l’armoire unique et de sa grande glace
La lampe de chevet à la forme d’un oiseau des îles
Du réveil avec ses clochettes stridentes
Des rideaux lourds et épais
De la moquette à couleur brune

Vous vous souviendrez
Des nuits pénibles
A demi assis le nez bouchez et l’absence de mouchoir
Des pilules pour s’endormir
Sous vous souviendrez
Du chat qui ronronne
Près du tapis noire
L’immeuble est silencieux
Pendant une heure
Après c’est le brouhaha sempiternel

Sous vous souviendrez
Des torpeurs de certaines nuits
Des yeux pleureurs et le nez qui coule
la tête tournée du côté du mur
Un ciel sans étoiles
Des fenêtres opaques presque noirs avec les volets fermés
De vos mains moites jours de grippe

Sous vous souviendrez
Elle n’a rien vu de ces lieux
Et pourtant elle s’en souvient //