Passion... du vélo
(Ce pastiche de Kipling, avec humour bien sûr)
Si tu peux pédaler au départ calmement,
Laissant fuir les cadors aux braquets de finesse,
Si tu plains les moins bons qui niaquent crânement,
Dans les Brevets Mondiaux jusqu’au mal à leur fesse ;
Si tu mets ton orgueil au fond de ton cuissard,
En traçant ton sillon sans mentir à toi-même,
Si au copain pressé qui te secoue le lard,
Fermement tu maintiens ton rythme de carême ;
Si tu rêves de plat, acceptant le col dur,
Si tu penses un braquet mais pédale en semoule,
Si tu sais recevoir tombant comme fruit mur,
Victoire ou abandon en oubliant la foule,
Si tu peux rester coi sur quelque sprint violent,
Lancé par un bluffer au tempo qui irrite,
Ou voir ton chrono mort et te sentir trop lent,
Puis mangeant ton guidon, rentrer dans la limite ;
Si au bout de deux jours et du temps devant toi,
Tu peux risquer un train qui te met dans le rouge,
Simplement pour le fun et en rester pantois,
Dans la pluie et le froid tu te mords, tu te bouges,
Tu sens la sueur froidir ton âme d’animal,
Tremblant d’aube et de brume et repars au charbon,
Avec pour seul outil l’acier de ton mental,
Quand au-delà du vent une voix dit : « tiens bon !» ;
Si tu réponds aux gens sans orgueil inutile,
Ou monte le podium sans hâte et sans lenteurs,
Si l’honneur ou le blâme en toi reste futile,
Si tu as du respect pour tous les randonneurs,
Si tu peux bien remplir sans perdre des minutes,
Toute la randonnée de joie et de défis,
En toi sera la Terre et ses vallées abruptes,
Et - plus encor- tu seras Randonneur, mon fils.
Jean Marie