Il avait semblé à Fanny reconnaître dans la foule, une femme de l’île qui avait exécuté la danse de la pluie sur la plage des Salines. Elle avait le même tremblement de ventre que le jour où elle manipulait un long bambou rempli de cailloux qui résonnaient, imitant le bruit d’une averse. Submergée par une émotion, telle la femme sauvage des bacchantes, conservatrice d’une tradition sans âge, elle chantait vers l’horizon appelant, au loin, par son souffle, les forces indestructibles de l’âme ; située entre deux mondes, elle personnifiait le désir d’une relation avec les cieux, le vent, la terre ; la tête renversée en arrière, madras noué sur les reins, d’une voix enrouée, elle lançait au ciel des cris et des onomatopées pour l’adjurer d’envoyer son eau purificatrice qui fait revivre les esprits dans le cycle de la résurrection naturelle qui sent bon l’humus et les fleurs parfumées. Selon le même principe, après le décès de Franck, avec l’eau qui est la vie de ce monde, Fanny avait nettoyé la maison de fond en comble, pour en faire disparaître toute trace de la maladie et de la mort ; il fallait s’en libérer comme le Vaval le permettait aussi par un changement d’apparence et la richesse des images dont on revient lavé de la gadoue dans laquelle il nous arrive de patauger.
Pierre-Louis SESTIER
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