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     Parler du temps.
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Expéditeur Conversation
hervegosse
Envoyé le :  17/5/2015 12:28
Plume de soie
Inscrit le: 20/8/2011
De: PARIS
Envois: 173
Parler du temps.

Parler du temps.

- Toi le scientifique, comment conçois-tu la notion du temps ? Parle-moi de tes études sur le temps. Montre-moi tout ce que tu sais! Prends ton temps. J’ai le temps.
- Que dire ? Voyons, c’est simple, je m'émerveille chaque matin en me souvenant que le jour est divisé en vingt quatre heures, l’heure en soixante minutes, la minute en soixante secondes, toutes égales! Ce sont les aiguilles des minutes et des secondes qui, sur les horloges et sur les montres, nous l’indiquent à toi et moi, es tu d’accord ? Regardes-tu souvent les aiguilles trotter ?
- Oui ! Les aiguilles qui trottent, c’est passionnant ! Mais, le temps vécu, comment le conçois-tu ? Moi, çà me passionne ! J’ai lu que le temps est fluide, qu’il est malléable comme une pâte à modeler. Qu’en penses-tu, toi, le scientifique ?
- Le temps vécu! Moi, çà ne m’intéresse pas. Il ne s’y passe rien, il me déçoit toujours. En résumé, c’est le temps mal vécu. Je ne m’occupe que du temps mathématique, des calculs astronomiques, des calendriers solaires et lunaires, du temps des révolutions…planétaires…Jupiter…Mars…Saturne…
- Et oui…Pluton…Vénus…Mais fais-moi plaisir ! Dis-moi comment s’est passée ta première heure, ta première heure à toi, ce matin. Tu as bien fait des études là-dessus ?
- Oui, le temps vécu…je l'ai un peu étudié...c’était une commande du gouvernement…je m’en serais bien passé…Que veux-tu savoir ? Hors du champ scientifique, je n’ai rien à te dire. Moi, pendant cette heure là, ce matin, je n’ai pensé à rien, je me suis levé, je me suis lavé, je me suis habillé et j’ai déjeuné. Je n’ai voulu ni que cette heure passe vite ni qu’elle s’écoule lentement. Je considère que ce n’était pas mon heure, qu’elle ne m’appartenait pas…
- As-tu ressenti des choses différentes, ce matin ? Des choses qui n’avaient rien à voir avec hier matin ? Qu’as-tu observé scientifiquement ?
- Là n’est pas la question. Cette heure là, elle a fait soixante minutes, comme les autres, que tu le veuilles ou non. Mais il ne s’est rien passé de spécial pour moi. Ah ! il faut que je remonte ma montre, que je la remette à l’heure ! Elle retarde d’une minute et de sept secondes sur l’horloge parlante. Sache que moi, le scientifique, pendant cette heure-là, je répète toute une série d’automatismes, qui se déclenchent involontairement si bien que cette heure, ce n’est pas moi qui la vis réellement. Des tas de gens la vivent comme moi, des populations situées sur le même fuseau horaire. C’est mathématique : il n’y a que de très légères variantes dans ce que nous avons tous fait pendant cette heure là. Et en tant que scientifique, j’ai même un doute sur l’existence avérée de ces variantes. Ce sont plutôt, selon mes calculs, des différences à peine perceptibles. Es-tu d’accord ?
- Moi, j’ai vécu ma petite heure, ma petite heure chérie, bien à moi. J’ai pioncé bien peinard comme un loir. Moi, j’ai eu mon heure, pas celle des autres !
- Je reprends ma démonstration. Tu n’as pas dû m’écouter. Pour cette première heure matinale, j’ai fait des calculs. J’ai déterminé de façon neutre et rationnelle pour tous les sujets, des groupes afin de les étudier par le biais de mes expériences. Résultats obtenus : j’ai établi l'existence de quatre catégories , d'abord ceux qui se lèvent, se baignent et se peignent, puis ceux qui se peignent, se lèvent et se baignent, puis ceux qui se baignent, se lèvent et se peignent…
- Puis ceux qui ne se lèvent pas ! Moi, j’observe, j’en vois des différences ! On n’est pas tous pareils ! Tiens, il y a ceux qui prennent le bain et le café, la douche et le thé. D’autres refusent de se baigner et de se doucher et prennent…oui, prennent le petit déjeuner, pendant une heure. Ceux-là ont le choix entre le thé et le café, la biscotte et le pain grillé. D’autres enfin… passent une heure sous leur douche ou dans leur bain, sans rien avaler. Et oui…Ils partent de chez eux l’estomac creux…
- Scientifiquement, Je n’y crois pas. Moi, qui observe et calcule tout çà, moi qui fais des tableaux- entre parenthèses, c’est tout l’intérêt des statistiques et des probabilités- moi, je te dis que ces différences sont imaginaires et que c’est toi seul qui les invente pour me provoquer. C’est moi qui ai calculé le temps moyen du bain, de la douche, de la consommation matinale de café et de thé. J’affirme que mes analyses sont rigoureusement exactes et que nous nous répartissons tous entre ces quatre catégories qui nous définissent et nous rapprochent au fil du temps. Voilà qui nous fait tous pareils. Tu le sais çà ? Ou faut-il que je te le démontre autrement ?
- Ne te fâche pas ! Scientifiquement, tu as sans doute raison, tu as fait plus d’études que moi.
- Et comment ! J’ai en passé du temps ! Le fait est là, moi, si l’on m’interroge sur cette heure qui se répète du lundi au vendredi, il ne se dégage pas dans mon esprit quelque chose de marquant, de différent, disons d’original, d’un jour à l’autre. Voilà soixante minutes pendant lesquelles, d'ailleurs, nous nous situons tous dans les quatre catégories que j’ai définies.
- Tu sais, tout çà, c’est subjectif. Moi, je me dis que, de semaine en semaine, ces soixante minutes, vécues au saut du lit, peuvent être riches, variées, agréables…et puis, elles ne s’effacent pas toujours de la mémoire.
- Tu te fais des idées ! Tu résiste à mes analyses. Attends que je fasse ma démonstration pour les autres heures de la journée !
- Pour les autres heures de la journée ? Je suis sûr que c’est très différent ! C’est la vie qui démarre ! La vie ! La vie est riche ! Elle est variée ! Je le crois ! il y tous ceux qui partent de chez eux à pied, à bicyclette, en voiture, à cheval, en train, en traineau, en avion, en métro, en chameau. Le temps de trajet est soumis à des variations inimaginables. Quelle richesse ! Quel bonheur ! J’adore marcher quelques minutes à pied, faire une halte au café du quartier, c’est un moment d’évasion, c’est l’aventure !
- Ce n’est pas ce qui ressort de mes études, mes conclusions scientifiques sont fort éloignées de tes considérations. Ce trajet n’a rien d’un voyage, on y fait chaque jour à peu près le même nombre de pas. Je l’ai calculé en moyenne pour tous ceux qui boivent du thé ou du café, qui sortent du bain ou de la douche, par tranches d'âge, catégories sociales, professions, niveaux d'études, suivant le nombre de mètres et de kilomètres à parcourir, en tenant compte des escaliers à descendre et à monter, des ascenseurs et des cours à traverser. Souvent, pendant ce temps de trajet, mes cobayes croisent les mêmes figures, aperçoivent les mêmes voitures. Rien ne change : ni les passages cloutés, ni les trottoirs à gauche ou à droite, ni les têtes des agents qui font la circulation. Cela circule toujours pareil, c'est-à-dire très mal. Et puis, moi, j’ai observé ceux qui souffrent le plus, les usagers, usés, âgés pour la plupart, qui sont coincés, tassés, aplatis dans le métro, ou le RER, ou les deux. Pour tuer le temps, car là il s’agit bien de le tuer, peu de choix ; ne rien faire et consulter ses messages sur son téléphone, lire le journal gratuit du métro qui ne l'est pas, ou regarder bêtement devant soi puis se dégager de la foule compacte. Généralement, rien n’émerge de ce temps passé dans les transports. C’est comme s’il ne s’était rien passé. Certains d’ailleurs l’occultent complètement en dormant sur la banquette puis, réveillés d’un coup de coude, ils continuent à dormir debout dans les couloirs. D’après mes observations, une très grande majorité de ces voyageurs sont, au bout du temps de leur trajet, complètement ratatinés.
- Oui, mais, ils se reprennent quand se profile le lieu de leur travail. Ah ! Voici l’usine ! Ah ! le bureau ! Ah le commerce, la boutique ! Oh ! La grande surface !
- Je te laisse à tes émotions. Moi ce que j’ai rigoureusement constaté, d’après mon étude, c’est que la population des bureaux se pointe entre 8H30 et 9H00, elle ouvre sa pièce et boit son café, le café du bureau, pendant, en moyenne, un quart d’heure. Certains dérogent et travaillent dès 9H00, sans prendre de café.
Ils sont plus nombreux parmi ceux qui ont pris leur douche. D’autres s’accordent au contraire une demi-heure pour le boire. Ils sont plus nombreux parmi ceux qui ont pris leur bain. Ceux qui ont pris du thé chez eux prennent aussi souvent le café du bureau et sont plus nombreux à prendre une demi-heure pour le boire, même s’ils ont pris une douche…tu me suis ? Mais qui sait combien de temps ils ont tous passé à prendre le café du bureau ? Moi seul le sais, grâce à mon étude ! Du lundi au vendredi, de la semaine une à la semaine cinquante deux, cela se vérifie.
- Et pour ceux qui travaillent dans le commerce? ! Quelle joie de travailler dans le commerce !
- Pour eux, pas de café du matin ! Je l’ai observé expérimentalement. Au micro, on leur dit : à la caisse ! aux rayons fruits et légumes, à la viande, à la charcuterie, aux fromages, aux vins, aux produits ménagers, à la papeterie, aux papiers toilettes ! Je n’ai pas dit aux toilettes. On ne leur dit pas où sont les toilettes. Et, après, dans la journée, pour eux le temps se découpe de la même manière, occupés qu'ils sont à couper des tranches de viande ou de fromage, à peser, à emballer, à sortir l’étiquette et à la coller sur le paquet.
- Mais la vente, voyons, c’est riche, c’est varié, c’est vivant ! Vendre un faux filet à un octogénaire en retraite ou un morceau de munster à une ménagère, femme au foyer, ce n’est pas la même chose!
- Tiens, tu cites des exemples issus de mes observations. Les clients eux-mêmes, si on les interroge, se souviennent-ils de leurs achats? Et là, je ne tiens pas compte des classifications dont je t’ai parlé…
- Ah oui, les adeptes du bain et du café, de la douche et du thé…
- Oui…Ceux-là peuvent-ils seulement raconter ce qu’ils ont acheté à leurs enfants et à leurs petits enfants ? Moi, ce dont je suis sûr, c’est qu’au bout de la journée, il ne reste plus dans la mémoire des vendeurs de munster et de faux filet. Tout se confond dans leur esprit incapable de savoir ce que moi, j’ai pu vérifier et enregistrer dans mes statistiques.
- Je ne suis pas d’accord. Tiens, chez soi, à table ou devant la télé, avant de s’endormir, on peut très bien comptabiliser le nombre de jours où on a vendu de la viande et du fromage et révéler à ses proches combien on en a vendus. On peut le raconter à sa famille, à ses amis. On a des anecdotes…des histoires qui font rire…y a des clients qui sont tartes, certains c’est de vrais légumes… mais dis-moi, en usine...ce doit être encore plus riche!
- Des usines ! Qu’as-tu dit ? Des usines, mais voyons, d’après mes études, il n’y en presque plus. Combien d’usines en vie ? Combien d’usines où les ouvriers ont du temps à tuer parce qu’ils restent sans rien faire devant leur machine à l’arrêt ? Car ce n’est pas d’emblée qu’il faut fabriquer quelques pièces, grâce à l’arrivée exceptionnelle d’une commande. Mes expériences sur le temps n’ont pu se mettre en place dans ce monde en crise. Je n’ai pas pu réaliser de statistiques. L’ouvrier se souviendra t-il plus tard des usines qui ont disparu? Tout ce temps passé provoquera chez lui de l’abattement, le plongera dans la torpeur. Tu vois les dégâts provoqués par ce temps vécu ? Son étude provoquerait des dépressions en cascades, des suicides innombrables…
- Mais pour nos amis des bureaux, ce n’est pas du tout pareil, ils gardent le moral, ils sont joyeux !
- Au fil des heures, ils ont toujours quelque chose à taper sur leur micro. Ils reçoivent des mails en nombre suffisant, des notes et des documents qui leur donnent du travail, un travail qui se répète, année après année. Mes études le démontrent.
- Mais un jour, on échappe au temps de travail ! Alors, c’est le vrai temps, le temps choisi, le temps vécu pleinement, librement ! C’est le temps du bonheur.
- C’est le dernier volet de mon étude. Il m’a demandé trois années d’observations supplémentaires. Après soixante cinq ans, parfois bien après, oui, nous avons le temps de mourir. C’est le temps d’écrire des choses qui nous dépriment. On a le temps d’avancer en âge, de crouler sous les ans. Avec le temps, on y songe à tout ce temps. Nous avons été trop de temps le fonctionnaire zélé, l’ouvrier sans machine, le vendeur debout à son rayon, l’employé gratte papiers, le balayeur sans balai ou le ramasseur de crottes…j’ai comptabilisé des millions d’heures perdues pour tous les ratés, les mal aiguillés, qui, au fil du temps, n'ont pris plaisir à rien. Mes chiffres doivent rester secrets.
- Je vois pourquoi tu préfères le temps mathématique; c’est plus positif et moins déprimant ! Tu sais...tu devrais quand même arrêter tes études sur le temps et prendre le temps de vivre. Sache apprécier tout le temps qui te reste, car, le temps, il t'en reste largement assez pour le vivre autrement...et puis aussi, profite de ce temps, pour méditer, pour te débarrasser de tous tes clichés...qu'est ce qu'il y en a des clichés dans ce que tu dis!...goûte chacune de tes heures, de tes minutes et de tes secondes...remplis les de toi, des autres, de tout ce que tu vois, de tout ce que tu sens, de toutes les idées qui te viennent...et puis, surtout, ne fais plus d'études sur le temps des autres! Tu ne le connaîtra pas! Prend le temps de construire ton propre temps et cela suffira! Tu te réconcilieras avec le temps et avec toi!

Hervé GOSSE


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 » Parler du temps. hervegosse 17/5/2015 12:28

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