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Expéditeur Conversation
Parceval
Envoyé le :  13/3/2023 14:52
Plume de platine
Inscrit le: 11/4/2011
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Le blues du privé



Le blues du privé

Mai 2008 à Toulouse. Un matin paresseux, Place du Salin. Il est sept heures. Le Bistrot du Palais est presque plein. Lors des sessions d’assises, c’est là que se retrouvent, avant d’aller au tribunal, les jurés convoqués, un peu angoissés au début, quelques avocats et autres fonctionnaires du Temple de la justice. En complément des habitués du quartier.
Norbert Bacqueyrou pousse la porte, éructe un vague salut au patron et à l’assemblée. Il rafle la Dépêche du Midi au passage et va s’installer à une table miraculeusement disponible au fond du troquet.
?  Café long et croissants, Chef ! 
Pas frais, le Norbert : Des valises sous les yeux, fagoté comme l’as de pique, cheveux et barbe hirsute. Et taciturne avec ça ; pas disposé à se joindre à la sono d’ambiance des brèves de comptoir et autres commentaires sur l’état du monde (à refaire) et du TFC (Toulouse football club). Retranché derrière le canard.
Non, il n’a pas dormi Norbert. (Maintenant qu’on le connaît, on pourra l’appeler Nono). Hier soir, il a veillé tard et bouclé le rapport sur sa dernière enquête. A l’heure qu’il était, il a préféré rester dormir sur le lit Picot au bureau. Un studio minable où il tient son officine, rue Perchepinte, dans un petit immeuble bourgeois et ancien avec cour, bien pratique d’ailleurs.
Ou du moins, il a essayé. En pure perte. Ça fait quelques temps qu’il n’est pas dans son assiette, Nono. Le spleen ou le bourdon, comme on voudra. Mais sans motif, à part une déconvenue prévisible dans sa relation avec Gilda, ça ne marche pas si mal, non ? Alors il a repassé le film en boucle, non stop. Il est à la fois acteur et spectateur. Comme une analyse, il est sur le divan et sur la chaise, mais c’est nettement moins cher… Le blues d’une prochaine adhésion au club des quadras, sans doute.
Et Nono vaticine. Il tourne, il vire sur son lit de camp. D’abord une série de flashbacks : Lui, après le bahut, bac en poche, à la fac de droit. L’univers étudiant de Toulouse, bouillonnant, engagé, chahuteur. Copains et copines, les soirées arrosées, les manifs, les amphis laborieux et les veillées studieuses. Des amis aussi, du moins le temps de ce cursus difficile, car après c’est la diaspora des potes, ceux qui continuent et ceux qui comme lui, divergent, la licence obtenue. Avocat, non, pas vraiment tenté. Alors les concours. La maison poulaga, pourquoi pas ? Officier lieutenant de police, obtenu haut la main.
C’est l’exil à Cannes-Ecluses. Période riche d’expériences de terrain. Ça lui plaît. Stagiaire et rapidement titulaire, le lieutenant Bacqueyrou sévit en région parisienne pour se retrouver trois ans après muté à Toulouse. L’ambiance est assez bonne dans l’équipe. Il y connaîtra une certaine Gilda, qui deviendra un peu plus qu’une collègue. En quelques années, il se lassera du boulot sur le terrain, rendu difficile par l’étroit corset des règlements et du droit. Sans compter les affaires bouclées se soldant par la remise en liberté de coupables patentés, bien défendus ou bénéficiaires d’une justice laxiste.
Avec des états de service élogieux, au moment de passer commissaire, il démissionne à la surprise générale et ouvre une agence de « Privé ». En fait, sa décision est facilitée par un placement juteux qui permet son installation.
Le voici donc libre et seul maître à bord. Bien équipé aussi. Rien de ce qui se fait en matos d’investigation et gadgets d’ « espionnage » ne lui est étranger, associé à la base informatique qui va bien. Ses anciens collègues lui font bonne réputation et peu à peu sa clientèle s’étoffe.
Son panel, assez hétéroclite, penche de plus en plus vers les «gros ». Les particuliers deviennent minoritaires, au profit des entreprises, commerces, avocats, notaires et même, de temps en temps, il rend service à ses anciens collègues. Tous ceux-là veulent retrouver, savoir qui est qui, qui est où et qui a quoi, qui fait quoi, qui est bien ce qu’il dit être.
Et il excelle à satisfaire ces demandes, à démêler l’écheveau de situations plus ou moins troubles, les sordides questions d’intérêt, les coulisses de la société civile. Il n’est plus très gêné par le carcan du droit et des lois. Pour tout dire, il flirte souvent avec la ligne rouge. Un peu « border line » et il assume, prudent, efficace et discret. Son pied-à-terre rue Perchepinte, n’est qu’une boîte à lettre. Sa base, c’est chez lui, sur les hauteurs de Castanet-Tolosan.
Il vit assez bien de son activité. Une semaine de vacances au soleil de temps en temps; quelques liaisons sans suite hors contexte, et Gilda. Oui, mais alors, de quoi se plaint-on ?
On ne se plaint pas vraiment, un peu de lassitude. Trop d’affaires, sans doute. Il faudrait monter une véritable agence. Pas envie, bien trop individualiste. Et puis Gilda est partie. Depuis quatre heures ce matin cette chanson qui trotte en boucle dans sa tête : « Si Maman si, Maman si tu voyais ma vie… » Ô Maman, si loin maintenant. Ne voilà-t-il pas, en plus, que depuis une semaine, il a l’impression qu’on le surveille ! Un comble. Décidément ça ne va pas et c’est mauvais pour le business…
Il machouille son croissant. Diagnostic : je m’emmerde et je me sens prisonnier de mon job. J’ai besoin d’air, d’ailleurs et d’aventures, d’autres sources d’adrénaline…Le café lui brûle les papilles, le fait réagir. Oui c’est ça : au minimum un break s’impose, une semaine de vacances, ou mieux une période sabbatique, le temps de se ressaisir, et de donner corps à de nouveaux projets.
Hop, un autre petit noir pour faire passer les croissants, et on retourne au bureau. En deux heures, il s’est rasé et pris toutes les dispositions pour mettre son activité provisoirement sur off. Et déjà il se sent mieux.


Parceval

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Sujet :  Expéditeur Date
 » Le blues du privĂ© Parceval 13/3/2023 14:52
     Re: Le blues du privĂ© Sybilla 13/3/2023 16:31

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