La rime est une amie qui m'a cueillie petite
Ecartant mes chagrins des chemins fréquentés.
J'ai appris à parler, j'ai appris à me taire,
A cacher sous les draps, mes larmes, mes regrets.

Et lorsque enfant déjà, ma plume s'affolait,
Traçant sans le savoir alors, quelques sonnets,
Mon âme frémissait d'un plaisir presque nu
Caressée par le vent salé de l'inconnu.

Puis, le temps a passé... Mais le verbe , rebelle,
N'a point lâché ma main, comme une sentinelle
Qui veille dans la nuit les rêves égarés
Et trace leur chemin sur un bout de papier.

Et le coeur, lui aussi, voulant donner le "La"
A déversé, amer, sa verve quelquefois.
Pour renaître à nouveau au souffle de l'espoir,
Il a battu en vers et pleuré dans le noir.

Je ne regrette pas mes années solitaires
Où s'égrenaient les mots à travers les chimères.
Je n'ai que souvenirs et bien peu de regrets
Malgré tous les chagrins qui m'ont écartelée.

Le soleil a tari les sources maléfiques
Et teinté de reflets les chemins obscurcis.
J'ai découvert souvent des pays magnifiques
Par-delà des sentiers que je croyais maudits.

Et j'ai frôlé la mort, et j'ai frôlé la vie,
Avec la même peur, avec la même envie.
Aujourd'hui, je n'ai plus en pensant à demain
Le coeur désespéré, le regard incertain.

La main qui me surprend au sortir d'une aurore,
Paraît sans se lasser vouloir écrire encore,
Et jusqu'au dernier jour, je le pense vraiment,
Cette main écrira poèmes et romans.