On a vu la fourchette montrer ses dents
Aux haricots terrorisés par la cuisson,
Piquer le lard avec un plaisir pointu,
On a vu la cuillère s’enfuir dans la bouche,
Faire glisser de la soupe aux pommes de terre
Puis salir la nappe avec fierté et bonheur,
Le couteau saute sur tout ce qui bouge,
Et tout ce qui bouge court dans l’assiette,
Du jarret de veau qu’il coupe en souriant
Car il se sait utile et intrépide,
On a vu la louche bien trop grosse pour le tiroir,
Elle fait des bonds dans le pot au feu,
Eclaboussant les joues de la crémière,
Une râpe à fromage voudrait prendre le train
Pour la suisse aux gruyères onctueux,
Elle bombe son torse en argent
Devant les fromages intimidés,
Pas de philosophie chez le tire-bouchon,
Enivrons-nous avant que la bouteille soit vide
Et roulons-nous sous la table des plaisirs,
La marmite brillante a tout connu,
Les crabes de la mer du Nord et les cuisses de
Grenouilles vertes,
Les ragoûts de grand-mère et les truites persillées,
Personne n’ose l’embêter,
Et voici cinq casseroles insouciantes et chaudes,
Elles dansent ensemble comme des sœurs,
Elles savent qu’on ne peut se passer d’elle,

C’est la marche des ustensiles de cuisine,
On peut bien les applaudir
Dans le restaurant de la plage,
C’est l’anniversaire de mariage,
Elles paradent une dernière fois,
Demain tous les invités seront là
Ils riront avec les fourchettes
Mais préféreront se salir les doigts.




inspiré par une pièce musicale de vaughan williams (1872 -1958)