Madame
Notre langue est si belle et a tant de mystères,
Qu’il est dur de l’écrire et de la conjuguer,
Madame s’y emploie et semble se complaire
A jouer avec moi comme un de ses sujets.
Car elle me conjugue Ă tous les temps du verbe
Cela peut sembler fou, je vais m’en expliquer
Et si dans mes propos perce un ton acerbe
Je vous prie par avance de vouloir m’excuser.
Son futur, je le fus lorsque jeunes amants
Nous construisions tous deux des châteaux en Espagne.
L’avenir serait nôtre et nous étions confiants
Ne pensant qu’à mener une vie de cocagne.
Mais c’est bien au présent qu’il nous faut déchanter,
Nos beaux châteaux n’étaient que des châteaux de sable
Et notre belle histoire s’enlise désormais
Dans notre quotidien bourgeois et méprisable.
Me voir plus que parfait était son espérance,
Est-ce que je l’ai déçue, je ne saurais le dire
Mais j’ai pu constater que ma seule présence
Suffit de plus en plus à déclencher sa ire.
Imparfait je le suis, elle me le répète,
Se complait Ă le dire Ă me le rappeler
Et me jette parfois certaines épithètes
Qu’ici je n’oserais jamais vous confier.
Mais si il est un temps qu’entre tous je préfère
C’est bien l’impératif le soir au fond du lit
Je découvre son corps dans tous ses hémisphères,
À toutes ses demandes sur le champ j’obéis.
Las, peut être qu’un jour ce sera au passé
Que Madame lassée de mes incertitudes,
De mes atermoiements, devra me conjuguer
Et je m’exilerai sous d’autres latitudes.
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Il ne faut jamais remettre Ă deux mains ce que l'on peut faire avec une seule (Pierre Dac)