Vague écriture


Une petite vague venue du fond de l’océan,
Perdue sur une crête, poussée par les vents,
Regardait s’enliser ses sœurs dans le sable
Et périr ainsi d’une fin pitoyable.

Comment se dit-elle, sans pouvoir résister
A la pression des autres qui derrière la poussait,
Comment contenir sans qu’il y ait dommage
Leurs grandes furies, leur écume de rage.

J’ai tant d’histoires à raconter,
Récits de marins, de naufragés,
Qu’il me faudrait une immense plage
Pour relater tous leurs voyages.

L’ayant exprimé, simplement à voix haute,
Alors qu’elle était proche de toucher la côte,
Voilà que, comme par un coup de magie,
Les vagues s’écartent pour lui redonner vie.

Merci, leur dit-elle, en souvenir de vous,
Sur la plus belle plage j’écrirai pour vous
Une strophe sincère et reconnaissante
De ce moment qui relata notre entente.

Parvenue à bon port par une mer étale,
Sans prendre le temps de marquer son escale,
La petite vague entreprit son ouvrage
D’une écriture libre et pourtant fort sage.

Elle sait que le temps lui est compté,
Que les éléments sont là pour la contrarier
Et, fidèle au serment qu’elle leur a fait,
C’est par ce dernier récit qu’elle a commencé.

Si je n’étais pas passé sur cette plage,
Lu ce qui était écrit comme une image,
Avant qu’un ressac ne vienne l’effacer,
Je crois bien que je l’aurais inventé.



Chibani