Parmi joncs et roseaux
Des eaux troubles somnolent
Mouchetées d'auréoles
Bercées de chants d'oiseaux

Peuplées d'âmes errantes
Tourmentées attirantes
De surface à tréfonds
Lorsque le jour se fond
Elles soufflent palpitent
De fantasmes de mythes
Leur aspect qui dérange
Dégage un charme étrange

Ces eaux impénétrables
Loin d'être indéchiffrables
Ont un langage clair
Pour qui sait leur mystère
Elles sont bien vivantes
Elles parlent murmurent
Elles fredonnent chantent
Autant que la ramure

Au creux de leur miroir
Dans leur manteau de moire
Des fées enchanteresses
Tissent peignent sans cesse
D'inédites images
Comme pour un hommage
Au fervent promeneur
Attentif et rêveur

D'un trait bleu d'un trait vert
Se forme un univers
Unique inspirateur
Imprégné de senteurs
C'est alors que la plume
La plus terne s'allume
Qu'elle donne en partage
De nouveaux paysages

Par delà leurs nombreux
Plis et coins ténébreux
Leurs bactéries larvées
Et leurs serpents lovés
Ces eaux dans leur limon
Ont des ravins des monts
Des rivières des plaines
Des sources des fontaines

Pour la joie du poète
De leurs flancs se projettent
Des rayons ciseleurs
De toutes les couleurs
Il voit dans leurs méandres
Tout un herbier s'épandre
En vallées qui se creusent
Aérées somptueuses

C'est dans leurs profondeurs
Qu'il éponge ses peurs
Qu'il fortifie ses sens
D'essentielles substances
Il y fait des voyages
Si extraordinaires
Qu'il en oublie son âge
Ses douleurs ses galères

Ces eaux glauques bourbeuses
Lourdes marécageuses
Ces eaux de nuit des temps
Au profil inquiétant
Portent dans leurs entrailles
Sur des tapis moussus
L'or le velours l'émail
Qu'on ne voit pas dessus

Parmi joncs et roseaux
Des eaux troubles somnolent
Mouchetées d'auréoles

Allons bercer ces eaux
Comme font les oiseaux