Ils marchent fièrement en rang serré :
Petits garçons aux mollets bleus de froid,
Femmes trop grosses en serre-tête guindé,
Landau garni tel un filet…
Chez ces gens là messieurs les enfants débordent !
On lit toujours le Figaro on est inscrit chez les scouts,
Jeune père endimanché au sourire crispé sur vie tracée :
Si j’avais épousé un docteur,
Aurais-je pu être des leurs ?
Où est ma place en cette vie
Qui aime les sentes balisées de l’ennui ?
Ils jonglent et même crachent du feu,
Ils sont de tous les festivals,
Les femmes peu sexy en sarouel trop grand,
Les hommes hirsutes en rastas géants :
C’est la horde des marginaux !
Les enfants blonds sont souvent sales,
Ils me font un peu mal.
J’en ai le cœur presque serré…
Si j’étais restée de gauche,
Aurais-je été de leur tribu ?
Où est ma place en cette vie
Qui ferait de moi éternelle hippie ?
Ils hantent les couloirs élyséens,
Se battent comme de très vieux chiens :
Les politiques me fascinent !
J’aurais aimé avoir courage
Et m’engager avec la rage.
On aurait aimé mes discours…
Aurais-je été souvent élue,
Si j’étais restée dans un parti ?
Où est ma place dans cette vie
Où les voies vous sont si tôt imparties ?
Ils peuvent disserter de tout,
Mais leurs colloques sont bien mous !
Parler de la perle perdue d’une reine,
Ou bien des feuilles jaunies d’un chêne…
Les hommes en pantalons de velours passé,
Comme gauches en vie réelle.
Les femmes parfois un peu rebelles :
Plus le droit de lire Marie-Claire,
On se doit d’être dame de fer.
J’aurais voulu être prof de fac…
Serais-je devenue réac ?
Où est ma place dans cette vie
Qui n’aime que les grands esprits ?
Elles hantent les couloirs des Casinos,
Vieilles dames aux cheveux bleutés,
Et puis peignent des assiettes en faïence,
A défaut de vivre en Provence…
Elles voient le monde
A travers les vitres teintées d’un bus de tourisme,
Sans oublier leur pilules et vitamines !
Serai-je bientôt si seule aussi
Que seule la mort m’apaisera ?
Où est ma place dans cette vie
Qu’aucun homme ne partagera ?

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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."

Racine, "Phèdre"...