Une étagère de vers solides
Un tournevis de métaphores
Une planche bien droite d'enjambements
Et la notice de sentiments
Surtout ne pas pencher l'ensemble
Ne pas dévier d'un milimètre
L'ensemble doit rester correct
Tout blanc tout beau tout rutilant
Et pour les commentaires idem
Tout doit ressembler au MODEM
Ni passionné ni engagé
Juste au milieu pas trop criant
Il ne faut pas risquer sa peau
En accrochant un clou rouillé
Ni oser décorer bois de fleurs
Ou même laisser parler son coeur
On doit rentrer colère indignation
A l'image de ces meubles lisses
Tout chromés et argentés
Soi-même se faire police
Afin que l'autre ne se sente pas blessé
Mais mes amis moi j'y étouffe
Dans votre loft tout IKEA
J'ai envie de voir campagne
Maisons bleues et vieilles poutres
La poésie elle couve sous cendre
Comme flamme à ranimer
A vivre à entendre
Pour moi c'est un très vieux buffet
Au mille tiroirs à secrets
C'est une table en chène
Solide prête à supporter les haines
C'est un poêle à bois qui crépite
Où mille coeurs palpitent
C'est une mansarde sous les toits
Où je peux me réfugier sans toi
C'est une masure au fond des bois
Odeurs de champignons de mousses
C'est un vieux toit de lauses grises
Qui m'abritera des bises
C'est une ville de tuiles canal
Dont les murs roses m'ont enclose
C'est le contraire de l'aseptisé
C'est une vie qui aime aimer
Où la moindre humeur agite
Les coeurs intenses et enlevés
C'est mon âme qui bat trop vite
Et un corps non apaisé
Je ne suis pas une architecte
Ma vie ne bâtis pas au cordeau
Je préfère Rimbaud à Epictète
Même si parfois je suis corbeau
Enfermons enfin les niaises colombes
Osons clamer la vie en vraie
Soyons oiselles aus milles ramages
Acceptons clameurs et outrages
Que la pluie gronde
Que le feu crépite
Que l'océan déborde
Que le ciel tonne
Que nos maisons soient inondées de vie
D'amour de vérité de poésie
Jetons chiffons à poussières
Détachons nos oeillères
Boycottons les notices
Ma poésie toute de guingois
Elle parle au coeur elle n'est pas de bois
Et même si elle ne vous plaît pas
Je vous la chante de bon aloi
En vous donnant clef de chez moi
Venez vous n'aurez plus jamais froid.