L’INTERROGATOIRE DE LA PHRASE NEGATIVE

Ils me disent :
La poésie est récréation
…………………...Non !
Je ne peux changer de peau
Je dois enfanter ma poésie :
Le mutisme n’est pas mon cri
La résignation n’est pas ma faim
Le Dollar n’est pas mon fruit
La soumission n’est pas ma main
Le murmure n’est pas mon crescendo
Je ne peux suivre le mirage de l’eau
La faim du paysan n’est pas perpétuelle
La corrosion de l’ouvrier n’est pas indélébile
Tant que l’homme dévore l’homme
Tant que les corbeaux voilent le soleil
Nous lutterons
Nous nous battrons
Nous émergerons du puits
Et pousseront nos épis
Le soleil restera soleil
L’aube éteindra la nuit
Et nous monterons
Ils me crient :
La poésie est récréation
…………………… Non !
Je ne peux changer de peau
Je dois tracer mon verbe :
Je n’offrirai pas mon cœur
Aux vampires
Je n’exporterai pas ma sueur
À l’ogre
Je ne vendrai pas mon corps
À la morgue
Je ne me donnerai pas à l’oisiveté
Dans le labyrinthe de la cité
Je n’irai pas pleurer dans le cimetière
La gloire et la civilisation des grands-pères
Je ne me fierai pas à l’histoire des pierres
Je ne m’oublierai pas avec un peu de bière
Je ne fabriquerai pas les chimères
Avec un peu de Kif
Je ne serai pas passif
Je ne croiserai pas les mots dans les cafés
En regardant ma vie passer
Je lirai horizontalement
J’écrirai verticalement
Mais je ne vendrai pas mes mots
Au supermarché
Je ne donnerai pas mes verbes
À la nuit glacée
Je dédierai ma poésie
Aux travailleurs des usines
Aux mains du changement
Aux enfants de Palestine
Aux opprimés des champs
Au soleil, à la terre, à la lune
Et nous monterons
Ils m’inoculent :
La poésie est récréation
……………………Non !
Je ne peux changer de peau
Je dois crier mon nom :
Fils du peuple je suis
Et le peuple n’est pas troupeau
Nos filles ne sont pas brebis
Nos enfants ne sont pas des animaux sauvages
Nos femmes ne sont pas oligophages
Notre itinéraire n’est pas marécage
Dallas n’est pas notre Mecque
Nous ne sommes pas les pions d’un jeu d’échecs
Nos biceps ne resteront pas des boîtes à conserve
Destinées au F.M.I
Nous jaillirons de notre nuit
Nous fabriquerons la pluie
Nous allaiterons les épis
Nos enfants seront géants
Nous serons des mille et des mille
Et nous marcherons
Nous irons de ville en ville
De village en village
Nous nettoierons le langage
Nous irons de carrefour en carrefour
De faubourg en faubourg
Nous libérerons l’amour
Nous marierons les biceps et les épis
Et les oiseaux crépusculaires
Seront les invités
De notre poésie
De notre liberté
Et nous monterons
Ils m’ordonnent :
La poésie est récréation
……………………….Non !
Je ne peux changer de peau
Je dois exploser mon adjectif :
Poète je suis
Et la poésie n’est pas récréation
La poésie est libération
Action, émancipation
Participation au changement
Poète je suis
Et la poésie est ma maison
J’y suis, j’y resterai
Et jamais je ne la quitterai
Elle est ma source, ma terre
Mon horizon, mon devenir
Vous pouvez me couper la langue
Je ne parlerai plus
Vous pouvez me couper les pieds
Je ne marcherai plus
Vous pouvez me couper les mains
Je n’écrirai plus
Vous pouvez m’enlever les yeux
Je ne lirai plus
Mais vous ne pourrez jamais
M’arrêter de penser
De refuser, d’aimer
Vous pouvez m’assassiner
Je vivrai dans le cœur des paysans
Dans la lutte des ouvriers
Dans les yeux des enfants
Dans l’espoir des opprimés
Dans la colère des vents
Dans le cri des muets
Et nous monterons
Ils exigent :
La poésie est récréation
………………………Non !
Je ne peux changer de peau
Je dois libérer mon adverbe :
Poète je suis
Et ma poésie est feu
Je cultiverai mes Muses
J’arroserai mon champ
Avec mon sang
Et je récolterai mon identité
Je construirai mes phrases :
Mon amputation est persistance
Ma détention est présence
Mon exécution est naissance
Ma violence est transe
Ma transe est force
Je ne peux justifier mon absence
De la lutte des classes
Je suis un grain parmi les grains
Je suis une main parmi les mains
Et toutes ces mains s’uniront
Et nous monterons
Ils m’étouffent :
La poésie est récréation
……………………...Non !
Je ne peux changer de peau…





Mostafa,point fat,seul,las,si doux,rêvant de sa mie!