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Cave ne cadas Cave ne cadas Calicem quem dedit mihi Pater non bibam illum ? (Jean, 17, 1)
Homme que ronge la soif de l’infini Et qu’attire le gouffre, Roi qui commande, prophète qui bénit, Poète qui souffre ;
Homme épris d’absolu et de mystère Qui rêve d’un ciel lointain Et qui sonde l’océan et la terre Et les flots, monts hautains,
Toi qui songe à hier et à demain Aux vagues tonnerres Et qui flétrit les vices des humains Dans un chant visionnaire ;
Toi qui quand le peuple rit, radieux, Erre, triste et le front pâle, Et aux homme joyeux dit : « pensez à Dieu Dans votre ivresse fatale !
Ne rongez pas la chair de ce Roi mort Dans les glorieuses batailles, Ne soyez point les vautours sans remords Dont les griffes assaillent
Le Trône, saint emblème du Seigneur, Cette dépouille nue ; Les vautours sont fangeux et sont vengeurs ; Les aigles dans la nue ! »
Toi que le tyran maudit et redoute, Même mort, même désarmé, De peur que le peuple opprimé n’écoute De ton cercueil fermé
Les rugissements puissants qui demeurent Et que l’on voit monter Dans l’esprit tremblant de ceux qui pleurent Et qui sont indomptés ; Homme qui sonde des abîmes sans nombre Et terrasse des néants, Toi que l’on voit ténébreux et sombre Mais que l’on sait géant ;
Poète dont le front cache un précipice Et le cœur un soleil, Et dont l’aile obscure de nos vices Hante la vague sommeil,
Ô, prends garde ! Tout tombera un jour Comme un frêle édifice ! Tout ! La gloire, la fortune et l’amour Aux langoureux caprices !
De brumes et de nuit tout est couvert ; L’aurore crépusculaire Voile le front livide de nos hivers, Et de Dieu la colère
Étonne l’homme épris, comme d’une femme qu’il aime, Des monts vertigineux, Et qui voit partout, haruspice blême, Des abîmes lumineux !
Prends garde ! Car plus le sommet est haut, Plus la chute est terrible ! Monte, monte ! Que vois-tu ? un flambeau ? Non, la nuit horrible !
Aux nefs les vents ne sont point propices, Notre mer est sans port ! Nous ne voyons que des astres qui pâlissent Dans l’azur de nos sorts !
Dieu dit à l’homme : « aime et sois content Car tout est éphémère, Et moi, en leur ouvrant mes bras, j’attends L’enfant et la mère ;
En vain tu sondes les ténèbres immenses, En vain tu braves la nuit ; Car tout finit et tout recommence Devant tes yeux éblouis ! »
Le tombeau est un mystère ; le berceau Est une ombre mystique, Et la mort imprime son fatal sceau, Comme un baiser antique,
Sur la bouche de la pâle humanité, Sa rivale, son amante, Qu’on voit chaque jour, malgré sa vanité, Pâlir d’épouvante !
Homme, ces sommets inaccessibles Sont hauts et hasardeux, Toi qui ne peux sonder que le possible, Cesse de t’approcher d’eux !
Car ru tomberas, athlète imprudent ! L’homme le plus sage Est celui qui n’est point le confident De nos grands orages ;
Il est celui qui écoute, silencieux, Gronder les tempêtes, Et qui, dans l’ombre radieuse des cieux, Repose sont aile muette ;
C’est celui qui, quand il voit l’aurore Qui dans la nuit reluit, Sait que Dieu cache, dans les jours amphores, Demain et aujourd’hui !
Le temps qui passe et qui toujours s’écoule N’obscurcit point son front ; Nous écoutons, sombres, hurler la houle, Lui, murmurer le tronc,
Chanter, ensemble, l’oiseau et le vent Dont il bénit la lyre ; Et pour lui la nature ouvre, en rêvant, Son livre qu’il peut lire !
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