« PREMIERE FOIS »
(Mots proposés : creux, tiédeur, commissures, boutons, planche, regard, goûter, pénombre)


Il n’avait pas vingt ans, le visage en boutons,
Peu épais, longiligne, il nageait dans ses fringues,
Les quinquets hésitants, comme en ont les mectons
Dans les coins de pénombre au fond des vieux bastringues.

Les copains le narguaient depuis bien trop longtemps :
« Cesse donc de ramer ! Laisse tomber la chiourme !
Vas te dépuceler, faut prendre du bon temps ! »…
C’est là qu’il trouverait comment jeter sa gourme.

Son regard louvoyait cherchant dans le brouillard
Celle qui voudrait bien se soumettre à ses flèches.
Il avança, confiant - il n’était pas trouillard -
Le sourire crispé, les commissures sèches.

Dans le creux de deux seins il tomba captivé.
C’est cela qu’il voulait, deux « rotoplots » énormes.
Il n’hésiterait plus, se sentant motivé,
C’est elle qu’il voulait pour être dans les normes.

Il s’approcha, tranquille, et dit ce qu’il voulait…
Ce n’est pas tous les jours qu’une vieille asphalteuse
A cet heur de s’offrir un si jeune poulet !
La catin tout à coup se sentit chahuteuse.

La piaule d’un potache est toujours un foutoir.
Mais l’heure n’était pas à penser nettoyage.
Elle se dévêtit, câlina son plantoir,
Et le jeune partit dans l’audacieux voyage.

Puis elle fit la planche, offrant un vieux bouquet
Aux pétales flétris dont il voulut goûter
La tiédeur palpitante. Il en fit un banquet
Et le dessert enfin finit par l’envoûter.

Il avait découvert ces douces sensations.
Tout compte fait l’amour, ce n’est pas un « pastis » !
Elle avait revécu ces illuminations
Qui lui avaient valu de le faire gratis !

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Christian RAY avec Michel Drucker et Patrice Laffont