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     nouvelle: partie de pĂŞche
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Expéditeur Conversation
adn
Envoyé le :  27/6/2007 8:39
Plume de diamant
Inscrit le: 24/6/2007
De: Landes
Envois: 17432
nouvelle: partie de pĂŞche
1


Partie de pĂŞche


Nous avions quitté la route poussiéreuse où Marc avait garé sa GS à l’ombre d’un eucalyptus, et nous descendions rapidement vers l’oued en empruntant les sentiers marqués par les mules et les moutons. Les paillettes de mica des roches que nous côtoyions accrochaient les rayons du chaud soleil de midi. Nous n’entendions d’autre bruit que le bourdonnement des mouches, qui s’élevaient en essaims compacts des crottins que nous enjambions, puis retournaient à leur festin dès que nous étions passés. En contrebas les eaux de l’oued s’écoulaient en miroitant, troublées par moments par les sauts de petites perches «arc-en-ciel ».
« Zut ! En voilà déjà un » s’écria mon ami. « On ne peut décidément pas être tranquille dans ce coin ! C’est bien la dernière fois que je viens tremper du fil par ici ! »
Tournant la tête, je vis à vingt pas de nous celui dont l’arrivée inopinée exaspérait mon compagnon. C’était un garçon d’une quinzaine d’années, vêtu d’une gandoura de coton bleu dont la large poche de poitrine s’ornait de motifs entrelacés. Comme il nous rejoignait en quelques enjambées, ses pieds nus se riant des cailloux de la rive, nous le saluâmes du rituel « salam alaïkoum » (salutation au pluriel car elle englobe l’individu interpellé et ses anges gardiens). La réponse non moins rituelle « ou alaïkoum salam » nous parvint aussitôt et je vis un sourire s’ébaucher sur le visage brun aux yeux noirs, encadré d’une abondante tignasse frisée, dans laquelle un peigne se serait cassé plus d’une dent.
Sur la figure de Marc une moue renfrognée annonçait la contrariété. Plutôt que de subir sa mauvaise humeur, j’attaquai aussitôt : « Ecoute, ne fais pas cette tête ! Il ne nous dérangera pas » - «Ras le bol de ces mecs, ils sont collants comme de la glu ! Je te parie qu’il ne va pas nous quitter d’une semelle ». Pour calmer mon ami je lui rétorquai qu’il serait bien content de trouver ce jeune Berbère, pour porter sa bourriche lorsqu’elle serait pleine, ou pour plonger dans l’eau froide de l’oued, afin de récupérer les cuillers et autres leurres, qui ne manqueraient pas de s’accrocher aux racines traîtreusement tapies au fond de l’eau. « Garde simplement ton lancer, il te portera le reste » lui dis-je. Mais le visage assombri de Marc s’éclaircit soudain et s’adressant au jeune garçon il lui lança d’une voix autoritaire : « Asmek ? » (Quel est ton nom ?) « Youssouf a Sidi ». « Eh bien, Youssouf » reprit Marc dans son arabe approximatif «tu vas aller garder t’oumoubil diali. D’accord ? Et je te donnerai le flous ce soir. Sigh daba (va maintenant) » ….. Le sourire s’effaça des lèvres de Youssouf qui tourna les talons comme à regret puis, semblant en avoir pris son parti, remonta rapidement le sentier abrupt de son pas de montagnard et disparut derrière les blocs de roche et les buissons…… «tu n’aurais pas dû… » commençai-je…. Mais la voix de mon camarade me coupa brutalement : « Bon débarras ! En plus il va garder la voiture ».
Je préparai mon matériel et bientôt une cuiller argentée à points rouges plongea dans un trou d’eau de l’oued avec un «floc » caractéristique. Devant moi, Marc lançait et ramenait avec dextérité et avançant lentement le long de la rive, s’éloignait déjà vers l’amont. Heureux de me retrouver seul, loin du caractère ombrageux de mon compatriote, je lançai plusieurs fois en éventail autour du trou d’eau, mais aucune touche ne vint récompenser ma patience. Alors je suivis les traces de mon ami en priant le saint patron des pêcheurs de m’accorder la première prise….


Le temps passe vite quand on fait ce que l’on aime et je fus tout surpris de buter sur la bourriche de Marc en descendant d’un rocher. « Il est déjà deux heures, viens manger ! » me cria mon ami, installé à l’ombre maigre d’un des rares buissons de myrtes qui parsemaient la pente caillouteuse de la berge. – « As-tu pris quelque chose ? » lui répondis-je en approchant, bien que déjà renseigné par la vue de la bourriche vide. – «Rien » pesta Marc «et j’ai perdu une cuiller ». Pendant que je dévorais mes sandwiches, le grand air et la marche m’ayant ouvert l’appétit, mon compagnon se mit à me raconter comment il avait mis en fuite un groupe de jeunes Arabes qui, ayant escaladé le mur de son jardin, avaient osé cueillir SES cerises…Il s’était posté à l’affût derrière une fenêtre et avait tiré dans le feuillage au-dessus d’eux avec sa carabine 22 Long Rifle. Au bruit de la détonation, les gosses affolés étaient dégringolés de l’arbre et du mur «plus vite qu’ils n’y étaient grimpés, je te prie de le croire….et aucun n’avait dû aller se plaindre à ses parents…heureusement d’ailleurs, car la carabine, je l’ai importée sans la déclarer à la douane. Tu penses, il aurait fallu tout un tas de paperasses. ». Comme je restai silencieux, Marc soupçonnant que je n’approuvais pas ses façons de faire, reprit en riant : « Tu sais, pour les faire déguerpir, il suffit de plier un béret en forme d’étui à revolver et de se le passer dans la ceinture. S’ils s’approchent trop, tu mets la main à ton béret et c’est aussitôt une envolée de moineaux…Bon assez parlé ! Si maintenant nous faisions un commando black-bass ? » acheva Marc en bombant le torse pour se donner une allure militaire. Mais décidément les black-bass ne voulaient pas mordre à l’hameçon et l’après-midi se termina sur une bredouille comme j’en ai souvent connu. Je me consolai facilement car le spectacle de l’oued

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dévalant entre ses rives escarpées, dont les couleurs chatoyantes changeaient d’heure en heure avec l’éclairage du soleil, valait à lui seul le déplacement. Cependant, refusant d’attribuer cette bredouille à notre maladresse, Marc en accusait le sort et, singulièrement, le mauvais sort que nous aurait jeté le jeune Berbère : « Ce maudit bronzé nous a porté la poisse » répétait-il tandis que nous grimpions lentement vers la route, nos bourriches vides nous battant les mollets à chaque pas et nous rappelant notre malchance.


Arrivés à la voiture, nous fûmes surpris de ne pas y trouver Youssouf. « Je te parie qu’il n’a rien compris ! Cet idiot ne doit parler que son berbère…ou alors trop feignant, il est allé dormir dans un coin. » …… Au loin le son d’une flûte de roseau semblait nous dire un au revoir moqueur. Exaspéré, Marc ouvrit le coffre et nous y rangeâmes notre matériel de pêche, puis comme je m’installais à l’avant près de lui, il me fit remarquer qu’en sortant de la voiture j’avais déréglé son rétroviseur intérieur. J’en doutais, mais ne voulant pas discuter pour si peu, je répondis que c’était bien possible et il mit le moteur en marche. La voiture que nous avions laissée à l’ombre était maintenant en plein soleil couchant et il régnait une chaleur éprouvante. D’un même geste, nous descendîmes les vitres des portières et Marc démarra doucement…. Alors que l’auto s’engageait entre deux haies de figuiers de barbarie, le son d’un tam-tam éclata brusquement, accompagné par la flûte dont le chant allait s’accélérant. « Ils ne pensent qu’à faire la fête » fut le seul commentaire de mon voisin.
Bercé par le ronflement du moteur, je m’assoupissais presque dans la tiédeur retrouvée de la nuit marocaine, lorsqu’un cri de Marc me réveilla soudain. Plongeant la main droite derrière son siège, il fouillait fébrilement sous la banquette arrière. « Le salaud ! Il m’a piqué ma carabine ! Le rétroviseur.... c’était lui ! Attends, je vais aller dans son douar et on va voir le chef du village. Je suis sûr de reconnaître ce gamin, même s’il ne nous a pas donné son vrai nom. Rien de plus facile que de prouver que la carabine n’est pas à lui mais à moi. »…… Soudain, le sourire de triomphe disparut du visage de mon conducteur. Il stoppa brutalement la voiture et se tournant vers moi gémît presque : « Bon sang ! Je n’ai aucun papier pour cette arme et si je vais voir les gendarmes c’est moi qui aurai des ennuis. Maudit gamin ! »

Porté par le vent du soir qui nous délivrait une fraîcheur toute relative, le son lointain d’une flûte narquoise me fit venir aux lèvres un demi-sourire. Là-bas, dans son village, Youssouf, si tel était son nom, fêtait à sa façon la leçon de politesse qu’il venait de donner à un étranger qui voulait l’empêcher d’aller à sa guise dans ses propres montagnes.
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Sujet :  Expéditeur Date
 » nouvelle: partie de pĂŞche adn 27/6/2007 8:39
     Re: nouvelle: partie de pĂŞche anonyme 27/6/2007 20:29
     Re: nouvelle: partie de pĂŞche Honore 3/7/2007 9:15
       Re: nouvelle: partie de pĂŞche virgule 9/7/2007 10:21
         Re: nouvelle: partie de pĂŞche adn 30/7/2007 20:49
           Re: nouvelle: partie de pĂŞche cyrael 19/2/2015 8:34
     Re: nouvelle: partie de pĂŞche Thogomez 21/2/2015 17:13
     Re: nouvelle: partie de pĂŞche NoireLune 20/3/2018 17:11
       Re: nouvelle: partie de pĂŞche MISTOU 29/3/2018 19:16
         Re: nouvelle: partie de pĂŞche berrichonne 25/6/2018 22:12
     Re: nouvelle: partie de pĂŞche Fax2014 25/6/2018 23:15

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