Cette route s’esquisse dans les poussières chaudes et lointaines du désert d’Arabie. Au loin,
j’aperçois des falaises ocres dessiner quelques maigres ombres, alors que le soleil s’écrase sur nos
crânes drapés de tissus blancs. Fournaise. Il m’a dit que nous aurions quelque part où aller, je ne
vois que ce sable millénaire ronger l’horizon sans pardon, dévalant les roches, dansant sous le vent,
remplissant les âmes, jusqu’à ce que chaque vie s’y abandonne finalement. Les coeurs pèsent lourd ici,
bien plus que n’importe où sur terre. On aurait peut-être mieux fait de s’oublier au bord de la
Mer Rouge, là où le sel lave presque toutes les paroles amères. Mais nous sommes aujourd’hui sur
cette étendue de beige et de sang, réparant en riant un vieux 4X4 détruit par la longueur des
kilomètres, sans savoir qui nous sommes réellement. La nuit s’abattra bientôt sur ces érèmes
d’Orient. Il m’a promis que nous arriverons au campement avant que l’obscurité nous reprenne. Il
ne sait pas qu’elle m’habite déjà depuis longtemps. J’attends confiante que nous roulions vers
l’ouest. J’étais alors à mille lieux d’imaginer tout ce que j’allais trouver dans ce désert.