45 au pied du sapin

Sur la pierre debout,
Sur la pensée désarmée,
Sur la bruyère chauve,
Sur l’âme de la banquise,
J’écris cette chose,

Sur la lune ébréchée,
Sur la feuille rousse,
Sur l’avoine des chevaux
Dans la nuit tremblante,
J’écris cette chose,

Sur la peau du bébé,
Sur la flamme de la bougie,
Sur le Coca des Andes,
Sur la maison sans toi,
J’écris cette chose,

Sur le vent qui plie,
Devant la forteresse brune,
Sur le bonbon fruité
Sur la chemise de soie,
J’écris cette chose,

Sur la tombe mouillée,
Par les larmes de marbre,
Sur la casquette souriante
Du grand père illettré,
J’écris cette chose,

Sur la vie qui passe
Sans se faire voir,
Sur l’ange qui sourit,
Devant la voile gonflée,
Le fil de la volonté nouvelle,

Sur la mie de pain,
Sur le mot qu’on avale,
Dans la nuit des cartes,
Sans comprendre l’avenir,
J’écris cette chose,

Sur le front de l’enfant,
Sur la toile d’araignée,
Sur l’éprouvette blanche
Dans l’école refermée,
J’écris cette chose,

Sur les ombres des arbres,
Sur le ciel d’azur,
Sur la craie blanche
Et le poème d’argile,
J’écris cette chose,

Sur la gloire d’Ulysse,
Sur la peau du métis,
Qui offre son désir,
Sur la corde tendue
Par le regard tremblant,

Sur l’oubli qui s’assoit,
Sur le baiser rendu,
Sur la table du salon,
Sur la paupière baissée,
J’écris cette chose,

Sur le pain casher,
Sur le genou touché,
Par d’autres mains,
Sur la guirlande de Noël,
J’écris cette chose,

Sur la joue coloriée,
Sur l’étoile brillante,
Sur la route qui n’en finit pas,
Et les filets du ciel caressé,
J’écris cette chose,

Sur le beignet à la banane,
Dans l’huile bouillante,
Sur l’ours endormi,
Dans l’abri du berger
Sur le vin que l’on boit,

J’écris cette chose,
La rose que l’on cueille à deux,
Dans les yeux des enfants
L’amour tombé du ciel
Comme un cadeau de Noël,
J’écris cette chose
L’amour au pied du sapin,
J’annonce la victoire du poète.