Plume d'or   Inscrit le: 13/7/2021 De: Zhoushan Xiaosha Envois: 658 |
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Je les ai contemplés longuement, avant de saisir l'un d'entre eux pour m'engager plus avant parmi les rayons, et tandis que maintes personnes passaient devant moi. C'est que les longues anses mobiles des paniers du magasin s'étaient métamorphosées. Elles n'étaient plus toutes noires comme depuis toujours, mais tantôt roses, tantôt bleu ciel, tantôt violettes. Bien des minutes s'écoulèrent encore, jusqu'à sertir un sourire dans ma lividité, avant le choix d'une anse qui serait rose. Et marchant lentement, je la portai longtemps encore comme un viatique, comme la seule marchandise possible, légère, pastel... Je voyais des mains de toutes les tailles, des mains de toutes les épaisseurs, refermées sur les nuances, y provoquant parfois comme un accident, comme un bris d'arc-en-ciel, comme une lacune, une anacoluthe. Or, je fus soudain tout particulièrement attentive à l'une d'elles, liliale et frêle, que caressaient par intermittences de longs cheveux de jais dénoués, et qui interrompait si exquisément, de sa terrestre étoile, le flux rose de l'anse. Je me mis à la suivre, en faisant quelques achats inspirés par les siens. Puis, lorsqu'elle se dirigea vers l'une des caisses, je me plaçai juste derrière elle. Ses gestes étaient lents, et j'aimais cette lenteur, parfaite translation de la mienne, étirement consciencieux, méticuleux, de la minute. Son panier vide, elle l'emboîta dans la pile des autres, où son anse rose rencontra par hasard, à même le panier situé juste en dessous, une anse bleu ciel avec laquelle elle détonna. Après que j'eus vidé mon propre panier, je rectifiai aussitôt la situation, et je disposai ma propre anse de manière à ce que le beau circuit ovoïde du rose fût rétabli pendant quelques instants fées au sommet de la pile des paniers. Et comme un élixir semblait alors circuler, dont je sentais l'influence bénéfique jusqu'au tréfonds de mes chairs. Dehors, je suivis des yeux encore un long moment la jeune femme au teint de porcelaine. J'éprouvais ce besoin de la rejoindre, de prendre ses mains en silence, de les serrer dans les miennes, les yeux clos pour répéter quelque chose de la circulation rose qui nous avait tacitement coalisées. Mais elle finit par s'engouffrer dans un bus dont le brusque trajet tout d'équerre la fit bientôt s'évanouir.
Extrait du Journal poétique de la Jeune leucémique des lisières
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