Plume d'or Inscrit le: 13/7/2021 De: Zhoushan Xiaosha Envois: 658 |
Église
Deux minces traits noirs se croisent perpendiculairement sur la table de marbre de l'autel. Ils sont d'abord des créeurs d'angles desquels s'effuse un peu du tabernacle qui poudroie. Quatre chandeliers, deux de chaque côté, portent quatre grandes bougies blanches et cylindriques, qui ont peu brûlé jusque-là . Il en émane une impression d'inépuisable consumation brandie. Quelques mètres au-dessus les dominent trois vitraux dont les sommets s'arquent. Dans les évolutions abstraites du premier, les roses et les bruns prévalent ; les rouges et les orangés dans le deuxième ; les bleus de nuit dans le troisième dont l'évocation angelicielle aurifie cependant le centre. J'attends depuis que les cloches ont proclamé midi, j'attends que le deuxième vitrail tout particulièrement s'ensoleille, et qu'il éclabousse de reflets l'autel et le sol, qu'il inspire la flamme aux mèches, qu'avec la paraffine il coalise l'incarnat, qu'il porte à incandescence le fabricateur acérain de cette émaciation cruciforme. C'est pour la couleur d'un sang braisillant et ubiquiste que je ne suis que patience sur le banc dur, le sang d'irradiance des nourritures d'écarlate afin que j'aille y tremper la diaphanéité de mes poignets minimes.
Tout à l'heure, je me suis assise dans le grand fauteuil qui se trouve contre le mur de l'une des nefs latérales, et dont les accoudoirs de velours damassé font trois fois la taille de mes bras. J'ai éprouvé là une fatigue incommensurable qui ne m'a pourtant pas abîmée dans le sommeil, l'un de ces éreintements s'originant dans le scepticisme des osséines et l'atermoiement des moelles. J'avais clos mes paupières, mais je voyais tout à travers leurs membranes dérisoires : l'apparent et les fourmillements par-delà l'apparent. Ce fauteuil est lui aussi placé au-dessous d'un vitrail toutefois plus imposant que les autres, et dont les nuances composent avec sa propre étoffe un camaïeu de mauves. Par intermittences, il a l'air de saigner en nitescences parme tout autour de ses pieds de bois clair.
Extrait du Journal poétique de la Jeune leucémique des lisières
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