L'arbre, la feuille et l'étang (fable en stances)

En cette fin d'automne, une bise effrayante
Soufflait sans nulle trêve, haleine chatoyante,
Sur l'étang calme et noir. L'arbre immense et troublé
Perdait son beau feuillage, il était accablé !

Une feuille tomba dans sa ronde légère
Sur le lac endormi, charmante passagère,
Et son âme impalpable, à l'immense vertu,
Aima ce reposoir de ténèbres vêtu.

Mais l'arbre dénudé détesta ce pillage
Qui lui prenait sa belle en vilain gribouillage :
"La pénombre détruit la beauté du moment,
Ce lac est un voleur, il n'est qu'aveuglement !"

Nul ne lui répondit dans la forêt profonde,
Mais un écho sans doute en sagesse du monde
Murmura sa chanson parmi sa plainte vive :
"Il faut aimer le temps dans sa triste offensive !

Rien ne dure et tout fuit, la beauté doit faner
Pour que demain renaisse et puisse badiner !
La Terre est notre mère, elle veille en rêveuse
Au grand cycle éternel dans l'immense couveuse."

Il n'est besoin bien sûr de gloser plus avant,
Vous avez tous compris, ce n'est guère savant !