Plume de soie Inscrit le: 28/2/2020 De: Iles de France Envois: 80 |
A mon père J’ai traduit ce qu’il ressentait en écrivant un poème à la manière de Guy Tirolien.
Mon Dieu, je ne peux aller à leur école Apprendre la langue de Molière, ma langue ne décolle J’habite si loin, le chemin est si rude, si abrupt Austère, cruelle, à moi, la vie parait si brute À mes moutons et chèvres, je songe Me donne du fil à tordre mes biquettes, la corde, je rallonge Où clairières, pâturage et arbrisseaux abondent Le soir dans l’obscurité, j’avance avant que la pluie nous inonde
Mon Dieu, je ne peux aller à leur école Je ne puis me joindre à ces brillants écoliers, respecter les protocoles Peu importe de me lever aux aurores, revenir à la nuit noire Pieds mutilés par le gel, ou couvert de boue, m’endors plein d’espoir Demain, un autre jour, sous le petit-bois, je grille les girolles Je ne sais pas lire, la vicissitude, je subis les obligations, je contrôle
Mon Dieu, je ne peux aller à leur école Ces élèves bien élevés, aux tabliers immaculés et aux souliers luisants Moi, va-nu-pieds, n’aime pas être couronné de gloriole Par les sentiers sinueux, je siffle et chante, contrainte interdisant Le soir, je vide mes poches remplies de glands et fruits d’arbousier Écoliers cultivés, serviette au collet, soupent sous les framboisiers
Mon Dieu, je ne peux vraiment pas aller à leur école Ces enfants de la ville, si éloquents si distingués Moi de la lignée des prolétaires, par les chemins, je caracole Libre comme le Simoun, en haillon fringué Modifier ma condition, aller à l’école, c’est comme éclairer une épaisse fange Occupé des gradins, délaisser les miens sans le sou, me paraît étrange Je laisse les bancs de l’école aux érudits, à ceux à qui la vie a souri Au dénuement des miens, au tourment de la vie, je me plie.
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