Au dessus des barbelés
Dans la boue sacrée,
De l'aube à toute nuit,
Dans mille jardins noirs,
Les casques troués,
les chaussures pensantes,
Le coeur toujours percé,
Sous mille faux nuages.
Mangeant la terre
Chaque petit déjeuner,
Cuisinant leurs semelles
La nuit trop vite tombée.
Paysans sans famille
Ouvriers sans travail
Esclaves des fusils d'acier
Poètes mais hagards.
Sur les granges effondrées
Dans les écoles désertées
Sur les murs de papier
Etouffant leurs cris.
Sur les livres déchirés
Au fil des mots perdus,
Dans les cafés manquants
Dans les fours incendiés
Dans le flot des taxis
Dans la cohue des cauchemars
Sur les tables oubliées
Sous les arbres coupés
Parce que c'était eux
Parce que c'était nous
Parce qu'il parlaient bretons
Parce qu'ils parlaient Picards
Sur les lacs gelés
Sous les toiles de sang,
sur les pentes du temps
Dans les blés ruisselants
Sous les toits d'ardoises
Sous les gouttières nues
Dans le chanvre sali
La liberté chèrement acquise
Sous la lune blanchie
Sous le soleil de Novembre
Dans les pluie acides
Parmi les os blanchis
Dans les tranchées étroites
Dans la peur de l'oubli
Sur les larmes des chevaux
Dans les jardins fanés
Parmi les feuilles mortes
Les poèmes récités
Dans les verres de vin
Les silences du tabac
Dans les yeux des femmes
Dans les plaines occupées
Sur l'incendie du ciel
Sous les balles ennemies
Sous les peaux noires
Sous les peaux blanches
Privées de matin
Sous les rires brisés
Sous les paroles de bois
Sur les viandes avariées
Dans le mépris des chiens
Sur les gelées blanches
Parmi tous les silences
Sous les clochers moqués
Dans les lettres égarées
Loin des masques inconnus
Sur toutes les collines
Sur les rues repeuplées
Sur les lettres caressées,
Dans les regards des enfants
Ils sont morts pour nous