Plume de platine Inscrit le: 24/1/2015 De: Envois: 3253 |
Son dernier été Dans le silence de cette chambre d’hôpital Il a conscience qu’une pieuvre hideuse, Inflexible, déploie jour après jour, Ses tentacules monstrueuses sur sa carcasse, L’enfermant méthodiquement dans un effrayant carcan. Parfois, il soubresaute, en vain ; Il se débat, mais sans force sont ses mains.
À sa demande de vérité, de transparence, Le regard de l’homme de science qui a saisi le sien, Prononça ces mots en froide évidence, Sans fausse compassion, en précision de chirurgien : « Dans trois mois maximum vous serez parti Septembre sera le mois de l’échéance finale ». Ces mots brutaux assénés comme une punition, Reçus comme des coups de fouet cinglants, Figèrent la circulation de son sang. Il voulut lui répondre en dérision : « Je vous en supplie Docteur, faîtes un effort ! J’aime tant l’automne, c’est ma saison préférée, Quand la nature repose dans un apaisant décor. Je vous en prie, repoussez l’échéance en fin d’année, Décembre est le mois idéal pour tout quitter ». Mais, de sa bouche aucune parole ne sortit, En revanche un long clignement de ses yeux, Qui s’embuèrent peu à peu. Le toubib posa sa main chaude sur la sienne, Froide et amaigrie, Il quitta la chambre et l’infirmière lui sourit. Du haut de l’épine dorsale jusqu’au bas de son corps, Il ressentit un horrible frisson, Comme si un fluide glacial prenait déjà possession De tout son être, en préambule des souffrances de la mort, Pour les anesthésier… Et éviter tout contretemps au départ programmé.
Sans cette perfusion dans le bras Il aimerait tellement se lever, ouvrir la fenêtre Pour écouter comme à l’opéra en concert, Le chant des oiseaux, l’hirondelle en Diva ; Se chauffer au soleil pour qu’il brûle sa peur Et son angoisse de l’Au-delà ; Qu’il chasse l’odeur de la mort qui parfois l’effleure ! Qu’il donne au blanc de sa chambre de vives couleurs ! Simplement, il aimerait profiter de son dernier été.
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