Plume de satin Inscrit le: 15/3/2019 De: Envois: 26 |
La placette Quand je t’ai annoncé où il fallait que j'aille Tu m’as dit : “N'y vas pas ! Ce sont tous des gitans. Tous voleurs de poules et vendeurs de ferraille Ils vont te dépouiller, te piquer ton argent.”
La placette somnole à l'heure de la sieste. Aujourd'hui, il fait chaud et le vent qui mistrale Fait frémir le platane, invite à aucun geste, Tornade la poussière au doux chant des cigales.
Je suis venu m’asseoir sur le pas de ma porte. À l’ombre, les yeux clos, j’écoute le palabre Du piaf qui s’agite et du vent qui m’apporte Le parfum du jasmin qui grimpe au creux d’un arbre
Passe l'après-midi. La douce somnolence Se réveille tranquille au son de la pétanque. Quelques vieux ensuqués se sont fait violence Pour venir vérifier qu’aucun ami ne manque.
Je me lève épuisé par tant de ne rien faire. Il est tant de fermer, insister, Pas la peine. Ce n’est pas aujourd’hui que je f’rais des affaires. Il faut me préparer, ce soir, c'est jour de veine.
Belle et élégante, comme dans un murmure La nuit vient se poser quand l’ombre s'évapore. Comme on fait par ici, avec grande mesure. Surtout sans se presser, avec le moindre effort. . C’est entre chien et loup que naissent les beaux rêves. Deux enfants dans un coin jouent au bel art du mime. Je m’assoie sur un banc, de là les observe. Il devient son héros des arènes de Nîmes.
Elle lui danse autour, la Carmen de Séville. Ses yeux sont de la braise échappée d’un brûlot. Sur la pointe des pieds, il plante une band’rille Matador pantomime, Il est Escamillo
La fête se prolonge aux “clacs !” des castagnettes Et personne ne voit que la nuit se fait tard. Le temps a disparu. Au milieu d’la placette des hommes font voler des accords de guitare
On passe la nuit claire à boire. On danse en frappant dans ses mains. On a pas le temps de le croire Il fait grand jour et c’est demain.
Au bord de la place ; j’ai passé trois semaines ; Vu des cons comme nous, et d’autres admirables ; Vu des gens comme nous, qui s’engueulent, qui s’aiment ; Des parents comme nous, des enfants adorables.
Tels les chiens, tu aboies quand passent leurs roulottes. Imagine un instant, ton pays qui vacille Sous le flot déchaîné ou le bruit sourd des bottes Et la foule qui hurle et te refuse asile.
Tu m'as dit : “ N'y vas pas, tu verras les gitanes, La main, elles te prennent et quatre sous te quêtent Pour dire un avenir fait de châteaux d’Espagne. Incrédule ignorant, tu gob’ras leurs sornettes.”
Mon ami, j’ai bien fait De ne pas t’écouter.
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