Quand bergère ... je fus !


De l’étable endormie, quelques bruits de sabots,
Le brouillard matinal ne renvoie pas l’écho,
L’heure est donc de partir pour les bêtes, au champ,
Vers cette LÔNE* herbue, l’appel est motivant.

Les vaches une à une au train-train chaloupé,
Détachées de leur chaîne et naseaux embués
S'engagent au chemin, le chien sur mes talons,
Ma tartine à la main… brumes à l’horizon !

Des perles de silence en rosée sur les champs
Voient les arbres penchés dont la branche se tend
Chuchotant quelques sons, à cet air encor lourd,
A l'oreille inspirée d'un poème en discours.

Découverte de vie dont le rêve en éveil
Sublime l'atmosphère au sortir d'un sommeil
Ce mystère ouï par l'enfant pressentant
Toutes les vibrations dont la douceur est chant.

Puis le soleil enfin, s'en vient tout caresser
Et pose beaux rayons sur la terre éveillée
Offrant au jour nouveau ce regard bienveillant
Qui délivre le jour pour qu'il soit renaissant.

La lumière en éclat, dans la haute futaie
A cache cache joue, diamants auréolés
Dans tous recoins ombreux les ensemençant d'or,
Ce contraste des tons, quel merveilleux décor….!

C’est bien dans la prairie, que j’ai tout savouré
La mésange chantait, le vent me chavirait,
De l’épine vinette ai mordu l’âcre goût
Feuilles acidulées aux souvenirs si doux.

Aux songes que j'ai faits allongée dans les près
Dissertant, divaguant, scrutant l'imaginé
De monstres nuageux et d'ogres effrayants,
Que l'infini petit paraissait vacillant.

Et le Rhône à deux pas, écrasant, inquiétant
Avait ce ronflement d'eau de fleuve pesant
Que je voyais partir en cheminement lourd
Ramassé et compact, vers voyage au long cours.

Quelle crainte inspirait cette fascination
Aux dires de ma Gran, fleuve était perdition,
Elle m'en racontait la légende de l'eau
Serpent des profondeurs en terrible suppôt.

Dois-je dire, si peu, que bergère je fus,
Juste pour découvrir tout ce charme inconnu
Toute la solitude à exprimer sa joie...
L'impression de beauté et cet ode à l'émoi.

Aux vacances d'été, je n’avais que dix ans
Lorsque dans l'Ain j'allais près de mes grands-parents,
Ceux-ci étaient bien vieux, leur amour m’a permis
De trouver un chemin, dans ce trajet de vie…

C.Chandy

LÔNE - terre située près du Rhône

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« La poésie - par des voies inégales et feutrées - nous mène vers la pointe du jour au pays de la première fois.  »
de Andrée Chedid