Plume d'argent Inscrit le: 1/4/2009 De: Envois: 358 |
Le passeur D'âmes C’était une belle journée qui se terminait, celle d’une fin d’hiver ensoleillée Née dans la fraîcheur d’une saison frileuse finissante qui hésitait à s’effacer Elle céda bientôt la place à celle symbolisant la nature et la vie qui renaît Le ciel s’enrubannait de rose, ultime hommage à l’astre sur le point de se coucher
Bien plus bas dans les marécages une barque glissait doucement sur les eaux ambrées Son pilote contemplait le jour finissant tout en maniant sa perche d’un geste régulier Quelques mètres encore pour enfin atteindre l’embarcadère ou il pourra s’amarrer Il ne lui restera alors qu’à gravir le chemin menant à cette modeste chaumière isolée
Ce n’était pas la première fois que le passeur était « appelé » pour accomplir sa mission Mais aider l’être qu’il allait accompagner ce soir, faisait naître en lui une grande émotion Un ami d’enfance, complice de ses délires d’adolescent et de ses irraisonnables tribulations Un compagnon de route, dans ces grandes chevauchées aux si nombreuse destinations
Le passeur avait ce don d’accompagner celui qui devait entamer le dernier des voyages La loterie de la vie, le hasard, avait voulu qu’il hérite de cette grâce issue du fond des âges A moins que la loi universelle des causes et des effets, de cette vie là en ait fait son apanage Ce soir,ironie du destin,il reviendra pour la première fois sans son ami de cet ultime voyage
Le passeur entra et esquissa un triste sourire à celle qui lui avait si souvent ouvert la porte Il s’assit à la droite de son ami,allongé dans ce lit,qui attendait que son dernier souffle l’emporte Nul mot ne fut prononcé juste un regard échangé, témoin de cette fraternité qui nous transporte Le passeur prit la main de son ami et il ferma les yeux tout en ouvrant de son esprit la porte Il avait déjà tant de fois traversé le miroir de la vie, cet éprouvant recommencement Sentir son corps se paralyser, les sons se déformer et se fondre en un bourdonnement Perdre sa mémoire, son identité, ne plus être que conscience perdue dans l’espace et le temps Lutter un moment, en un ultime réflexe de survie, pour ensuite lâcher prise subitement
Émerger dans un ailleurs sans avoir quitté symboliquement la main de son ami inconscient Bien rares sont ceux qui traversent le fleuve de l’oubli en toute conscience et sans égarement Il « parla » à son ami non par des mots mais par la pensée s’exprimant désormais librement Lui rappelant qui il était, leur long chemin commun ponctué de tant de recommencements
Le film de leurs vies doublé par toutes leurs émotions en un clin d’œil défila intensément Les choix, les erreurs, les drames, les bonheurs, les lâchetés, les bravoures, les occasions ratés Les angoisses, les apaisements, les désespoirs, les espérances, les amours, les haines, les amitiés Ces moments exaltants, ennuyants, l’indifférence, la compassion, la cupidité et la générosité
Bientôt le point de non retour... mais l’ami ton chemin sera encore long dans ce monde immatériel Il lui donna alors ses derniers conseils alors qu’ils approchaient la lumière d’un arc en ciel Aux couleurs symbolisant chacune de ses émotions source d’inquiétantes hallucinations pures créations de l’esprit confronté aux noirceurs enfouies de son être au plus profond
Pour passer cette épreuve il devra réaliser que ces visions n’étaient qu’illusions déstabilisantes Dans ce kaléidoscope de couleurs fuir les teintes ternes, aller vers la lumière la plus éclatante Rejeter les peurs, avoir confiance, exprimer cet amour universel pour tout ce qui est vivant Le passeur laissa partir son ami sachant que leurs chemins se croiseraient encore longtemps...
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