Je l’attends

Je l’attends de l’autre côté de la table,
Depuis qu’elle est venue souper au jardin.
Que se repend en moi cet amour incurable,
Que ses yeux ont su faire pleurer les miens.

Depuis qu’hier il y a un toit au-dessus de ma tête,
Que mes livres aux abois sont revenus de la nuit.
Que je revois les couleurs des cotillons de la fête,
Que mes tableaux colorés sont à nouveaux de sortie.

Depuis qu’elle est sans nouvelles du joueur de flûte,
Parti pour une harpe plus agile faire la trompette.
Que corriger les noires de sa partition est une lutte,
Que sa clef de sol a suivi la poudre d’escampette.

Depuis que ma plume s’affole pour les courbes de ses hanches,
Que je lui écris à l’encre fleurie les vas et viens de mon cœur.
Que ma pointe folle lui parle en vers sur des pages blanches,
Que j’ai vu cette rose ne plus pousser sous des pluies de pleurs.

Depuis que je suis devenu son esclave sans porter de chaîne,
Que je ne compte plus les nuits ou je perds le fil du temps.
Que j’ai gravé nos initiales sur l’écorce du vieux chêne,
Depuis que je l’aime et que je n’y peux rien…je l’attends.