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Histoire de Sindbad le Marin (Premier voyage)
Histoire de Sindbad le marin (prélude)
Premier voyage de Sindbad le marin
Sindbad dit : « Ma famille me légua mille biens Dont ma folle jeunesse qui riait ne fit rien Et que je dissipai dans les débauches sombres. Mon esprit était plus que la nuit plein d’ombre Et je dépérissais sans le savoir lentement ; Mais je revins enfin de mon aveuglement, Je reconnus que les richesses gaspillées Etaient éphémères et par le temps pillées, Et, par la sagesse et les remords dompté, Que nos jours ici-bas nous sont, hélas ! comptés. Ne voulant point porter, malgré ma hardiesse, Et de la pauvreté et de la vieillesse Les ténébreux fardeaux, de ma conduite surpris, De ma fortune je ramassai les débris Et vendis à l’encan tous mes précieux meubles. A de braves marchands qui paraissaient capables De me conseiller, et qui négociaient en mer, Cherchant un refuge à mon esprit amer, Je me liai ensuite. Jeune que les rêves bercent, Je résolus de faire comme eux du commerce ; L’océan nous sembla calme comme le port Et parut propice à nos ambitieux efforts, Par une nuit douce qu’éclairaient les étoiles Nous priâmes Dieu et nous nous mîmes à la voile Et prîmes la route des Indes par le golfe persan Qui courtise l’Arabie bienheureuse en passant. Incommodé par cette étrange maladie Qu’on appelle mal de mer, et dont la perfidie M’obligea à rester au lit et m’affaiblit, Quand ma santé, des jours après, se rétablit Je pus monter sur la coque et fus tranquille. Pendant notre voyage nous visitâmes maintes îles Et y échangeâmes nos marchandises. Un jour, Nous vîmes une île où la mer suspendait son cours, Petite et verte comme une douce prairie. Par les vents et les froids nos âmes étaient aigries Et nous voulions sur cette île nous reposer Mais nul d’entre nous, tout seul, ne pouvait l’oser. Le capitaine mit fin à notre bavardage Et permit de descendre à tout l’équipage. Certains restèrent alors que moi je descendis Et ne savais point que ce havre était maudit. Nous y mangeâmes, nous y bûmes, nous nous délassâmes Des fatigues de la mer, et nous nous laissâmes Bercer par les rivières et les oiseaux fort doux.
Nous faisant choir sur elle, l’île trembla tout à coup Et nous donna une formidable secousse. Ceux qui restèrent, venant à notre rescousse, Nous crièrent de nous rembarquer promptement Et de quitter l’île qui s’agitait sauvagement Et était le dos d’une immense baleine. Nos âmes d’horreur et de désespoir furent pleines, Nous courions dans tous les sens sans nous rappeler Dans ces moments d’angoisse par où il faut aller. Les plus diligents de notre pâle troupe Se sauvèrent dans la salutaire chaloupe, Mais moi j’en étais loin, et je trouvai un peu De bois qu’on apporta pour allumer du feu. M’agrippant à une pièce, je hélai mes confères, Mais nul n’entendit mes ardentes prières Et le capitaine qui reçut sur son bord Les gens de la chaloupe, croyant les autres morts, Voulant profiter du vent frais et favorable, Me laissa dans la mer incommensurable.
Resté à la merci des flots malencontreux, Je luttais vainement, disputant contre eux Ma vie, le reste du jour et la nuit suivante. J’avais moins de force que d’épouvante Et fermai les yeux, me préparant à mourir Et priant Dieu de ne point me faire souffrir. Une vague me jeta soudain contre une île, Le rivage en était haut et difficile, Je m’accrochai à des racines d’arbres, il fit nuit, Je m’étendis sur la terre et je m’évanouis A demi mort, jusqu’à ce que parut l’aurore. Faible et assoiffé et n’ayant pas encore Mangé, je trouvai des herbes et une source d’eau. Je mangeai et je bus en reposant mon dos Contre le tronc d’un arbre à la douce écorce. Je récupérai, peu à peu, toutes mes forces Et m’avançai dans l’île en errant au hasard. Dans une belle plaine où je promenais mes regards Je vis un grand cheval, tout blanc et superbe, Qui, attaché à un piquet, mangeait l’herbe. Sans que je susse pourquoi et ce que je cherchais, Craintif en même temps que curieux, je m’approchai De cette bête formidable et sereine Et j’entendis comme une voix souterraine. Un moment après, un homme parut, vint à moi Et me demanda qui j’étais. De mes émois Malgré ma peur, je lui fis le récit sincère. Il me prit la main, et comme un sombre émissaire M’emmena dans une grotte. Ses semblables étaient là , Surpris de me voir, nul d’entre eux ne me parla, Mais mon guide leur fit signe de ne point se taire ; Je mangeai quelques mets qu’ils me présentèrent Et ils me dirent : « Parmi nous sois le bienvenu Et sache que nous sommes, mystérieux inconnu, Les loyaux palefreniers du roi Mihrage Que tu iras voir si tu en as le courage. Si tu étais venu ici un jour plus tard, Tu aurais sans doute péri, étranger, car Les habitations sont tellement lointaines Que, sans guide, toutes tes recherches eussent été vaines. » Le lendemain avec mes hôtes je m’en allai A la capitale où mon destin m’appelait. Je fus présenté au roi, homme puissant mais affable, A qui je racontai toute ma sombre fable Et qui me combla de mille présents divers Car son cœur comme son palais m’étaient ouverts.
Comme j’étais marchand, je fis la connaissance D’autres marchands, de mon pays de naissance En cherchant pour savoir comment allait Bagdad Et leur dire que j’étais marin s’appelant Sindbad. Mais, malgré mes efforts, je restais sans nouvelles De la douce patrie, et toujours loin d’elle. Je ne désespérais point et était toutefois Après avoir été sauvé empli de foi. Je remarquai que la rêveuse capitale Etait située sur une route navale Et que tous les jours des vaisseaux du monde entier Y accostaient et qu’ils reprenaient leurs sentiers, Et mon ambition n’en était que plus grande. Je me liai aussi à des savants des Indes Et avec intérêt j’écoutais leurs discours. Prenant soin de faire au bon roi Mihrage ma cour, Je discutais avec les rois ses tributaires Et ses gouverneurs ; tous éblouis par les mystères De ma terre natale, me posaient mille questions Sur nos mœurs et nos lois, et si nous étions Un peuple pacifique ou épris des guerres, Que je posais aussi sur leur antique terre.
Au roi appartenait, territoire vassal, Une île mystérieuse du nom de Cassel Et où l’on entendait, symphonie triomphale, Toutes les nuits, disait-on, un son de timbales En pensant que c’était le repaire enchanté De maints monstres, par eux éternellement hanté. Je voulus voir cette singulière merveille Et je partis dès que l’aurore devint vermeille A l’île où j’entendis bien le mystérieux son Mais où n’y avait nul monstre. Je pus voir des poissons Long de deux cents coudées, mais toujours pacifiques ; L’île était reposante et tellement magnifique Qu’elle me semblait un fief de martyr, au paradis. Bien que je n’y visse nul homme, j’y entendis De mille oiseaux divers les douces symphonies ; Le ciel et la mer y étaient en harmonie, La mer toujours calme et le ciel toujours radieux, Et j’y restai quelques jours bénis par Dieu.
Un jour au port, je vis des marchands descendre, Et surpris et rêveur, il me semblait entendre Ces voyageurs parler mon dialecte heureux. Tremblant comme si j’allais commettre un crime affreux, Je m’approchai d’eux. Ils profitaient de la brise Et avaient déchargé toutes leurs marchandises, Mangeant et buvant, dans l’ombre se reposant Et du voyage et des affaires devisant. Je vis des ballots que les marins mirent à terre Sur lesquels les noms de leurs propriétaires Etaient écrits. Surpris, j’y lus aussi le mien. Quand on vous croit mort, nul de vous ne se souvient, Quand pour lui en parler, j’allai au capitaine Que je reconnus, il me dit, la mine hautaine : « Mais qui êtes-vous ? Vous n’êtes qu’un imposteur ! Sindbad est mort devant mes yeux, sombre menteur ! Oser voler un mort ! Dans quel monde nous sommes ! Dieu ! N’y a-t-il plus de bonne foi parmi les hommes ? Il est vrai que je ne suis qu’un faible vieillard Mais ces hommes que voici sont de puissants gaillards Et vous corrigeront si c’est nécessaire. » Je lui jurai mille fois que j’étais sincère Mais il ne me crut point. A ce même moment, Des marchands vinrent et me reconnurent rapidement ; Contents de me voir, ils me complimentèrent Et, pleins d’admiration pour moi, écoutèrent De mes aventures le bien étrange récit. Le bon capitaine m’écouta lui aussi Et me reconnaissant, joyeux comme un père, Il m’embrassa et me dit : « A un vieux hère Pardonne, mon fils, son horrible entêtement. Tu n’es point mort ! Dieu du ciel ! Au débarquement, J’allais vendre tes biens et chercher tes proches Pour leur donner l’argent. Je mérite tes reproches Et te conjure d’être clément. Tu reprendras Tes biens, et en feras ce que ton cœur voudra. Que Dieu, qui t’a sauvé de la mort, te garde Et qu’il soit loué, lui qui au ciel nous regarde. » Je remerciai le vieil homme pour sa probité Et il refusa mes présents avec bonté. Au roi Mihrage, pour montrer ma gratitude, J’offris maints biens précieux qu’avec mansuétude Il accepta, m’offrant des biens plus somptueux Et me demandant, sans paraître impétueux, Où je les avais pris. Sa joie était grande Quand il le sut, et il me fit plus d’offrandes En me souhaitant bon départ et bon retour. Avant de m’en aller, j’employai tout le jour A échanger mes biens contre ceux des Indes, Et j’emportai de cette douce partie du monde Du poivre, du gingembre, du bon bois de santal, De la muscade, du camphre, à mon pays natal, Et maintes autres choses rares et délicates. Nous partîmes. La mer était belle et plate Et nous abordâmes enfin à Bassora Où ma famille que le chagrin dévora, Me croyant mort car je ne pus lui écrire, Avec des transports que je ne puis vous dire Me reçut, étonnée de me revoir vivant. Je devins très riche et j’achetai, les jours suivants, Une maison, de belles terres et des esclaves. J’oubliais la mer et ses marins braves Et résolus, après avoir ainsi souffert, De jouir des plaisirs que la vie m’avait offerts. »
Sindbad interrompant son étrange histoire, On continua de manger et de boire Jusqu’à la tombée de la nuit. Quand l’heure vint De se retirer, au porteur cherchant en vain La sortie, le marin touché par sa misère Donna cent sequins et lui dit : « Revenez, frère, Si tel est votre vœu, je vous raconterai demain Mon deuxième voyage. Vous connaissez le chemin, N’est-ce pas ? Cette maison à nul n’est inconnue, Demain soir, j’attendrai moi-même votre venue. »
[A SUIVRE]
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