Je bois du blanc, du rouge,
Sur ce trottoir de vent,
Immobile et bavant
Au "beau linge" qui bouge,

Vient vers moi plein de cash,
En famille bien sage,
Pour la photo d'usage,
Me pousse dans le flash,

Puis il entre en ripaille,
Dans ce beau restaurant ;
Père Noël, à cran,
Je l'accueille et je caille.

Pas le droit de m'asseoir,
Ni d'aller à la selle,
(Mais la pluie qui ruisselle,
M'aide à n'y point surseoir).

A subir l'invective,
Du patron éméché,
J'en appelle à prêcher
Convention collective.

Pis, ce fric nauséeux,
Que gaspillent dans l'heure,
En boire et en mangeure
Des "fils de" acnéeux…

Alors qu'un peu de tune,
Dans cette vie de chien
Me paierait l'opticien
Et un lit de fortune…

Allez courage ! Un coup
De cette gniole infâme
Qui réchauffe mon âme,
Et me tient au licou.

La porte s'entrebâille,
Un mec sort, pisse là,
D'une voix d'au-delà
Me vante la victuaille,

Un autre le rejoint,
Quelque propos s'échange
Et après la vidange,
On tire un petit joint.

Mais le patron me hâte,
De faire à l'intérieur,
Pour ce public rieur,
Père Noël playmate.

Je titube déjà,
Les premiers rires fusent,
Les tisanes infusent ;
Un verre de jaja,

M'est offert par la dame,
De ce monsieur pipi,
Maintenant assoupi,
Dans son rêve de came ;

J'avance en saccadant,
Picore les pécores,
Enfin je me restaure
Je m'en mets sous la dent.

On tire ma barbiche,
Me claque dans le dos ;
Je crains que les ados
Chargent au pied-de-biche.

Je pose mon manteau,
Commence le strip-tease,
Et la glace se brise ;
Je fais le zigoteau.

Il faut savoir tout faire,
Pour être un bon clodo
Et non faire dodo
En cuvant une bière.

Et déjà je reviens
Me planter à la porte ;
Si un client s'emporte,
C'est là que j'interviens ;

Le contrat le stipule,
Me veut aussi videur,
Mais j'y mets peu d'ardeur,
Car je ne suis hercule.

C'est Noël sur ce banc,
Dans la nuit de la ville,
Et je tends ma sébile,
Clown clodo rouge et blanc.