Le petit peintre et l'aveugle.
Je t'entends caresser la toile,
Mélanger toutes tes couleurs,
Comme stridulent les cigales
la première grosse chaleur.
Tes gestes vifs et saccadés
brossent la douceur de l'été.
Je peux sans peine imaginer
Le vent coiffant les blés dorés
Et les amoureux étourdis
Criant des "je t'aime" Ã la vie!
J'ai vu beaucoup de ces visages
Eclaboussés de sentiments,
Qui, ne voulant pas être sage,
Se confondaient dans les serments.
Si tu veux brosser mon portrait,
Comme à quinze ans je le voudrais,
Lorsque j'avais encore les yeux
Entre le vert et le gris-bleu.
Quand la plus banale des ombres
Se mettait soudain à danser,
Que les bras chargés de concombres
S'en revenait le jardinier,
Son tablier de couleur brique
Et des fleurs cueillies en passant,
Toutes ces teintes magnifiques
S'engouffraient dans mes yeux d'enfant.
Lorsque le jour a disparu
Pour ne plus jamais revenir,
Je compris que je n'avais plus
Doucement, qu'Ã me laisser mourir.
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