C’est moi la plus vieille et déliée sorcière
Je suis la reine des ténèbres sans lumières
Je domine les obscurités de la terre entière
Je manie l’art de la magie et des chimères

Laide et effrayante borgne toute édentée
Chauve de ma crasseuse perruque coiffée
Je détiens toutes les rênes des génies égarés
Et les inviolables secrets des potions celées

Puissante protégée par mes génies soumis
Instruite de tous les mystères jours et nuits
Sur mon balais manche de bois de bruyère
Je franchis toutes les épreuves et frontières

Mes sujets forts dociles aux ordres obéissants
Affublés en chauves-souris et en chats-huants
D’une étincelle je ferais apparaître un volcan
Et du bruit d’une croute un tonnerre craquant

Je te surprends sourd-muet mon ennemi juré
Tu oses renvoyer de la lumière par ton reflet
Sur les chemins sombres d’où je dois passer
Tu me gênes tu troubles et aveugles mes idées

Ta fin est arrivée curieux et insolent miroir
Tu as été le témoin furtif de tous les secrets
Avec tes yeux grands ouverts matin et soir
Sans répit même les nuits et les jours fériés

Armure rigide froide gardienne des manoirs
Je t’étouffe pour tout effacer de ta mémoire
Toutes images et les interminables histoires
Je vais changer ton éclat éblouissant en noir

Je peindrais ton visage en charbon
Tu seras tout aveugle privé de fond
Mes génies te traineront sur le rocher
Et durement tu seras châtier fracasser

Dans un supplice sans fin et lourd
Ton corps sera broyé en poussière
Et sera jeté dans les enfers du four
Il sera étiré et coulé en parts entières

Au jour suivant tu seras ressuscité
Originel de nouveau en phénix inné
En billes et vitres unies ou dépolies
vitraux alambics coupes ou faux rubis

J’obligerais les sombres corbeaux à se miroiter de nuit
Et les paons à se voir à la surface des flaques de pluies
Quant aux belles pour se barbouiller et se faire plus jolies
Elles iront se voir dans la pupille des yeux de leurs amis