C'est à la nuit tombée
que l'on entend hurler,
en deçà des vallées,
ce vieux chien abandonné.
contre un angle de mur,
l'animal au poil dur,
appuie très lourdement
le poids de ses quinze ans.
les grands vents du plateau
le glacent jusqu'aux os.
dans cette ferme vide
aux rumeurs de suicide,
un grand platane nu
pleure de n'avoir pu
protéger plus longtemps
ses chers habitants.
le puits est toujours là
mais l'âne n'y est pas.
il est mort à l'automne.
et jamais plus personne
ne puisera son eau.
la lune est au plus haut,
comme un gros réverbère:
c'est la seul lumière
que le vieux chien attend,
car au soleil levant
reviendront les soldats
pour souiller de crachats,
de cambouis et de poudre,
pire que la foudre
d'un orage d'été,
le vieux mas abandonné.
dans le calme du soir,
le vieux chien, plein d'espoir,
converse avec la lune.
les pierres, une à une,
lui racontent l'histoire
d'un berger, cape noir
et bâton d'olivier,
venu les caresser
pour leur donner la vie.
il construisit ce nid
plein de délicatesse
pour aimer sa déesse,
bergère aux blancs moutons.
ainsi, de générations,
de parents à enfants,
les murs grandissant,
entre leurs bras naquit
un petit âne gris,
et, peu de temps après,
ce petit chien d'arrêt.
l'amour, la tendresse
et les bonnes caresses
laissent un souvenir
que l'absence déchire.

sur le plateau aride
où les grandes bastides
attendent à l'aurore
les artisans de mort,
le cri du pauvre chien
s'est arrêté soudain.
la lune a disparu
et le temps est venu
pour lui de se cacher,
et le vieil olivier
de trembler à son tour,
quand se lève le jour.....




poème écrit en 1974, pendant le service militaire.
ce petit chien existait bien.

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