Si un jour en longeant le cours du mois de mai,
Un objet lourd de sens me tombe sur la tête,
Je crois que je verrai avant de m'écrouler
Des lueurs tournoyer et des couleurs en fête

Un arbre à la trompette, un clown aux cheveux rouges,
Un sourire à fossettes et des pensées qui bougent,
Des pétales volantes, une belle joie fraîche,
Des roses chatoyantes, un nœud dans une mèche.

Si un matin marchant sous un soleil de plomb
La pesante chaleur me brûle et me consume,
tuméfiée je verrai le décor moribond
De mon esprit qui fuit et de mon corps qui fume.

Et gagnée de torpeur: de l'herbe desséchée,
Un désert de vapeur et une ampoule au pied,
Une danse lascive, un Å“il qui se retourne
Une peau maladive, une toupie qui tourne.

Si un soir le parfum d'une forêt d'octobre
Humide me grise, et que le sol se dérobe
Sous mes pas, je verrai étalée sur la terre
Parmi les feuilles rousses une obscure chimère.

Une pluie de lave, une ambiance macabre,
Une sinistre épave et moi derrière un arbre,
Des enfants qui chantonnent, un feu de cheminée,
Des cieux monotones et des marrons grillés.

Si enfin une nuit glaciale de décembre
Le froid par surprise pénètre dans ma chambre
De mon lit je verrai dans un nuage bleu
Des spectres de vieillards tordus et ténébreux.

Mais aussi des flammes jetant sur le muret
Du jardin les ombres d'un passé enchanté,
Un sapin décoré, l'étendue du grand nord,
Des mains emmitouflées, la lueur de l'aurore.

Ainsi si les saisons m'écrasent de leur doigt
Alors je saurai ce qu'elles touchent en moi.



Gabi.