J’étais là assise dans le train qui me conduit jusqu’à chez moi. La tête appuyée contre la vitre, je regardais le paysage défiler, sans savoir ce que je faisais dans ce wagon. Je perdais mon regard tantôt dans les nuages, tantôt sur les tags qui bordaient la ligne de chemin de fer et pourtant je ne voyais rien. Chaque seconde, chaque minute était un combat intérieur auquel je devais me livrer. Mes larmes tentaient de s’échapper de mes petits yeux fatigués, mais je les refoulais pour ne pas montrer aux autres que je n’étais en fait qu’une lâche.
Et à chaque instant c’est elle qui revenait, incarnant des personnages de mes différents cauchemars, elle me hantait. Toujours elle était là cette dame à la faux. J’avais beau la maudire de tout mon cœur de toute mon âme, rien n'y faisait, je ne parvenais pas à la chasser.
Je revoyais toujours ces deux hommes dans leur auto blindée qui me menaçaient de leur couteau tranchant ou encore cette horrible vipère de femme qui me poursuivait dans toutes les rues de mon quartier. Je n’avais alors aucun refuge, aucun abri, personne qui ne puisse me comprendre réellement. Abandonnée !
Assise dans ce train où tout paraissait paisible, je m’efforçais d’oublier que j’étais fatiguée et que je me sentais comme vidée par quelque démon, attiré dans leur piège malgré moi.
J’observais toujours ce qui se passait au dehors mais ma vision s’était troublée et je ne voyais plus que du sang, partout. Il dansait la samba autour de moi et j’étais complètement possédée ! J’imaginais une trainée pourpre couler de mes poignets d’ivoire. J’avais déjà sur mes joues la sensation glacée que produiraient mes pleurs et déjà un goût de rouille souillait ma bouche qui serait vite ensanglantée.
Un pied entre rêve et réalité je voyais déjà les titres des journaux : « Une lycéenne se suicide dans le train ».
A cet instant je me suis sentie ridicule mais je m’en fichais. J’étais perdue. « Gare de la Garenne Colombes » annonça la voix. Je devais descendre pourtant je ne m’en sentais pas la force. Je ne voulais plus bouger et rester à pour l’éternité. Mais je devais partir ! Arrivée sur le quai je suivais les gens des yeux, je les regardais se précipiter pour sortir de la gare. Je m’efforçais de ne pas m’arrêter pour ne pas tomber, ne pas sombrer car en cet instant j’étais ailleurs. Et là je me suis rendue compte que j’avais seulement besoin d’être aimée.
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"si tu ne vois plus le sens de ta vie, je viendrais, je suis ton amie."
"Fais comme le caméléon en marche: regarde en avant, et en même temps, observe ceux est derrière." Stéphanie Ledoux