Chaines du temps


Briguer les heures, brider les minutes
Course contre le soleil vers la chute
Honneur au perdant, lièvre ou bien tortue
Gloire au mécréant, sans combat te tue.

Le temps est à l’œuvre, sage, érudit.
Ouvrier méritant, habile artiste
L’esprit fait son œuvre, son édifice
Trime malgré gel, sécheresse, pluie.

Fossoyeur comptable, le temps s’arroge
L’indéfectible tic-tac de l’horloge
Ce religieux borné qui psalmodie
Sa rengaine unaire le jour et la nuit.

Sans alternance, sans alternative
A une cadence, à tempo d’usine
Les secondes à la chaîne s’alignent
Maillons serrés, nul vice ni dérive.

Pas de maître sans esclave. Ainsi l’Homme
Bourreau de lui-même, libre, se donne
Sa vie durant chaque jour des horaires
Se livrant à son maître pour lui plaire.

Jalonnant son chemin de lourdes montres
S’aliénant, tel Prométhée enchaîné,
A l’irrémédiable temps élancé
L’Homme attend-t-il d’Hercule qu’il se montre ?

De quelle force le douteux salut
Puisque toutes croyances ne sont plus
Viendra-t-elle ? A la fin qu’en sera-t-il ?
Peut-être de la semence fertile.

Fruit de tous les espoirs humains, Enfant
Tes inquiets pères et mères te font
D’une destinée asservie présent
Tu vivras donc pour Sisyphe en leur nom.