L’ajeun mobilier

L’avenir m’a beau et bien cravaté
Criblé de belles chemisées
Refoulé dans le bal des costumés
Le monde extraordinaire des hommes-mûres
Un blackberry en guise d’oreilles
Au bureau, au resto, en voiture
J’ai la tchatche, je joue avec les mots
Je joue avec les maux
J’ai un stylo fétiche pour les contrats
Une liste des femmes que j’ai sauté sur mes sièges en cuir
Une liste de clients à tanner pour obtenir ma prime
J’ai une bonne poignée de main
De la poigne
Demandez à ma femme
Parfois j’ai une chevalière et une gourmette au poignet
J’ai le club réservé à Punta Cana près de la mer
Je peux vous parler de la misère
Mes chaussures le claque
Mes dents rayent le parquet
Philanthrope je vous laisserais d’abord y ramper
Enfin je vous engagerais peut-être pour le nettoyer
Vous avez l’impression de me voir partout
C’est normal, j’exerce un peu tous les métiers
Le médecin qui vous fait avaler la pilule
Et vérifie votre appendice
L’informaticien qui vous met la disquette
Le cuisinier qui vous prépare une quenelle
Vous sentez ?
C’est moi cette boule que vous avez au ventre
Ce nœud que vous avez au cœur
La lourdeur de votre vie
La légèreté de votre porte-monnaie
Si vous voulez vous venger
M’en coller une ou même sur moi pisser
Lâchez-vous quelque part dans le métro, au resto ou au ciné
N’importe où, j’appartiens au mobilier
Je suis ajeun
Je n’ai rien dans le ventre
Je n’ai rien dans les trippes
Tout ce que j’ai, je l’ai dans les yeux
Ou dans votre déchéance.


Alnoire