Jasmine, orpheline à bas âge, était élevée par sa tante paternelle durant une courte période. Puis, elle intégra le foyer familial, une fois son père remarié.

Sa belle mère se montra, au début, très affectueuse; mais à la longue, elle commença à la persécuter. Elle l’accablait des tâches ménagères, la grondait à tort et à travers, l’humiliait devant ses amis…et la dorlotait en présence de son père.

Jasmine souffrait énormément, mais elle gardait le silence. Sa belle mère qui éprouvait un plaisir énorme chaque fois qu’elle lui infligeait une punition ; continua à la maltraiter.

La nuit, avant de se coucher, la pauvre fille pleurait souvent à chaudes larmes. Elle était triste et de plus en plus affaiblie. Elle avait le visage pâle, les yeux ternes et l’esprit ailleurs. Elle ne voulait plus manger, elle a essayé de mettre fin à ses jours. On l’a sauvée heureusement à temps ; mais elle a perdu le goût de vivre.

Alors son père décida de la ramener vivre chez sa tante qui la gâtait trop. Après un certain temps, Jasmine paraissait épanouie. Elle avait bonne mine. Elle jouissait d’une grande liberté. Sa tante l’aimait beaucoup et lui passait tous ses caprices.

Un jour, elle a tenu bon pour aller au bain maure. Sa tante a voulu l’en empêcher, mais en vain. Alors, elle lui demanda de ne pas trop s’y attarder car il faisait déjà tard et la laissa partir.

Capricieuse comme elle l’était, Jasmine a mis un temps fou à se baigner dans le petit bassin qui se trouvait dans la chambre chaude. Le temps passait vite et le bain maure se vidait peu à peu de ses occupants.

Jasmine ne s’est aperçue de rien, elle continuait à plonger, à faire des prouesses. Quand elle revint à elle-même, le lieu était complètement désert. Une grande frayeur s’empara d’elle. Elle voulut quitter l’endroit, mais en vain. Toutes les portes étaient hermétiquement fermées à double tour. Elle appela au secours. Des êtres bizarres, qui étaient de taille monumentale et qui avaient des yeux sanguinaires, apparurent de partout et l’entourèrent, jouant au tam-tam et chantant bruyamment. Paralysée par la peur, la pauvre fille était immobile, son cœur battait la chamade, ses mâchoires claquaient et ses jambes cotonneuses tremblaient.

Le bruit était assourdissant et les nouveaux occupants du bain maure accomplissaient des rituels. Puis, ils s’arrêtèrent brusquement et le plus effrayants de ces êtres bizarres s’adressa à Jasmine : « Vous avez fait irruption dans notre territoire, sans notre permission. Nous ne pouvons accepter une telle ingérence. Vous êtes notre prisonnière, en attendant que notre roi décide de votre sort. »

La pauvre enfant essaya de s’expliquer, mais les gardes l’assommèrent et la ramenèrent de force avec eux. Ils traversèrent en un clin d’œil le pays des merveilles où tout était fabuleux. Les maisons avaient des formes géométriques inhabituelles et les jardins étaient d’une beauté magique. Les arbres avaient des fruits en or et les oiseaux minuscules qui étaient perchés sur leurs branches, chantaient des symphonies envoûtantes.

Jasmine, subjuguée par la beauté du paysage, oublia quelques instants sa peur ; mais une fois qu’elle se trouva face au roi, une terreur la saisit. C’était un être énorme : il avait la tête chauve, les yeux exorbités, le nez aplati et les dents complètement noires.

En la voyant, le roi se leva et lui fit une grande révérence. Alors tous ses serviteurs l’imitèrent. La pauvre fille ne comprenait plus rien à ce qui se passait autour d’elle.

Le roi l’invita à s’asseoir et lui demanda respectueusement si elle acceptait de devenir la reine de son pays. Et il lui avoua qu’il l’attendait impatiemment et que son arrivée allait le délivrer d’un lourd fardeau : celui de gouverner le peuple d’Oudre.

Jasmine, de surprise en surprise, ne savait pas si elle devrait accepter ou refuser. Le roi, la voyant hésiter, la supplia les larmes aux yeux et lui expliqua qu’il était au bout de ses forces et qu’il espérait bientôt rejoindre sa bien-aimée qui l’attendait depuis des années dans l’autre monde, le monde du repos éternel.

Jasmine eut pitié du géant et accepta de régner sur le peuple d’Oudre. Le roi était si heureux d’avoir trouvé un héritier pour son trône qu’il expira sur le champ.

La décision du roi déplut à certains hauts fonctionnaires qui complotèrent contre la nouvelle reine. Ils incitèrent le peuple d’Oudre à se révolter et ils organisèrent des émeutes. Il était hors de question pour eux qu’une femme gouvernerait leur pays et déciderait de leur sort. Dans leur monde, les femmes étaient des êtres inférieurs et soumis. Ils n’accepteraient jamais une telle décision. Ils étaient prêts à se sacrifier pour sauver l’honneur du peuple d’Oudre.

Jasmine se trouvait dans une situation difficile. Reine malgré elle, elle décida d’honorer sa promesse et de lutter contre cette insurrection. Aidée par certains courtisans dévoués au roi et par les femmes d’Oudre qui lui apportèrent leur soutien inconditionnel ; elle entreprit une guerre sans merci contre les traîtres. Le peuple d’Oudre a beaucoup souffert avant que la paix ne règne de nouveau.

Jasmine veilla à ce que tous ses sujets ne manquent de rien et que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Elle nomma quelques-unes hauts fonctionnaires d’Etat.

Tout le monde l’aimait et la vénérait. Elle était l’idole du peuple d’Oudre et elle en était ravie. On organisait souvent des cérémonies en son honneur. Elle aimait partager ce bonheur avec les autres ; c’est pour cela tous les habitants d’Oudre participaient à ces festivités où on servait des plats variés et délicieux, et toutes sortes de boissons et friandises à volonté. Tout le monde se régalait, chantait et dansait au rythme de tam-tam jusqu’à l’aube.

Lors d’une soirée, alors que Jasmine dansait une main la secoua fort et l’extrait à ce monde pour la ramener à la réalité. C’était la femme de ménage qui s’occupait du bain maure.

Jasmine se frottait les yeux, elle ne savait plus dans quel monde elle se trouvait. On lui expliqua qu’elle avait passé la nuit seule, enfermée dans le bain maure et que personne ne s’en était aperçu jusqu’à la réouverture du bain maure, le lendemain.

Jasmine, affolée, courut voir sa tante qui était morte d’inquiétude. Elle avait cru que sa nièce avait eu un grave accident. Elle a contacté tous les hôpitaux de la région, mais en vain. Elle avait pensé qu’elle était peut-être kidnappée…Elle n’a pas fermé l’œil de la nuit, elle avait le visage pâle et les yeux larmoyants. Elle souffrait la martyre. Elle était rongée par les remords.

La bonne femme, en voyant Jasmine, était très émue ; elle se jeta à son cou, la serra fort au risque de l’étouffer et fondit en larmes. Jasmine, à son tour, fondit en larmes. Elle en était vraiment désolée, mais elle ne savait pas comment réparer sa bêtise. Alors, elle bredouilla quelques mots inintelligibles en guise d’excuses. La tante qui était heureuse d’avoir retrouvé sa nièce qu’elle croyait perdue à jamais ; lui demanda d’oublier cet incident et d’être dorénavant plus vigilante.