Enjoués, souples, las, timides ou sonores,
Des pas rythment le souffle aveugle des cités.
Sur la place qui brûle et s’anime, éclatés,
Dans les regards vingt cieux filent cent métaphores.
Parmi tant de passants d’âge et de cœur divers,
Une femme, un vieil homme, une très jeune fille
Dont quelque rêve fou par saccades pétille,
Semblent ne contempler que leur propre univers.
En se croisant, pareils à des ombres fugaces,
A peine se sont-ils devinés, reconnus.
A travers six beaux yeux, trois mondes ingénus
Là magnifiquement éclairent ces trois faces.
Lequel jusqu’à plus soif hume l’être et le don ?
Quel infini choyé du fond de leurs prunelles,
A celles-ci fait voir maintes fleurs éternelles
Et comble celui-là d’un suprême abandon ?
Les voilà donc si près… si loin. L’âme candide,
O trouble ! ils boivent l’heure avec saisissement,
Tandis qu’en eux s’allume un arc-en-ciel aimant
Qui nappe de joyaux certain songe splendide.
Tourbillon, foyer pur où chacun marche seul ;
Conscience de l’un sourde à celle des autres ;
D’une envolée unique, ils se font les apôtres,
Comme si leur voyage exilait tout linceul.
Thierry Cabot (La Blessure des Mots)
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