Encore une de ces villes,
Jamais tout à fait immobile,
Un de ces grands ports
Où l’histoire s’endort,
Perdue dans le décor
Des rues qui lancent encore
« A l’abordage, mille sabords! ».
Ici, il y a les quatre tours,
Qui gardaient les alentours
Au temps de la Marine de cour.
A présent elles sont les jalons d’un parcours,
Les bornes de la cité rebelle,
Nous sommes à La Rochelle…
D’abord, il faut monter à La Lanterne,
Phare avant que d’être amer,
Puis geôle pour les corsaires
A l’ambition guerrière,
Que l’on privait de mer
Entre ces murs de pierre.
Grandes défenses, pour vaincre les temps éphémères…
Sur la muraille refaite,
Se trouver sur le faîte,
Juste tourner la tête,
Et puis apercevoir le bassin des Minimes,
Que les flots magnanimes
Ont laissé les hommes faire
En rallongeant la terre,
Port où les coques se vendent,
Et les voiles s’étendent,
De ces bateaux trop grands
Pour les cales du devant…
Redescendre et longer,
Les quais comme englués
D’effluves âcres et salées,
Sans cesse ramenées
Par la basse marée…
Il reste là posé,
De plus petits voiliers,
Ou des bateaux moteurs
Aux timides rondeurs,
Sur le fond envasé,
Comme des condamnés
A rester prisonniers,
Attendant que reviennent
Passant la tour de Chaîne,
Les vagues d’océan
Aiguisées par le vent,
Vertes comme les salans,
Aux écailles gris de blanc…
Et puis tout juste en face,
Tout au bout d’une place,
La Tour St Nicolas,
Que l’on ne quittait pas
Durant toute une année,
Quand jeune capitaine, on s’y trouvait nommé,
Liberté condamnée
Pour le bien de l‘armée…
Lorsqu’enfin fatigués
D’avoir tant de marches grimpées,
Tant d’histoire visitée,
Un peu, vous voudrez vous poser,
Par la Porte de l’Horloge, il faudra pénétrer,
Prendre les rues pavées,
Sous les arcades basses,
Où les rumeurs passent,
Aller un peu de rêve chiner,
Tant il y a d’échoppes, de boutiques de comptoirs,
Tellement de choses à voir
En suivant les trottoirs,
De la Maison au Chien,
Au Marché quotidien,
Sans la crainte des grains…
Et dès le soir venu,
Sous les halos diffus,
Prendre les petites rues
Ouvertes sur le vieux port.
Ecouter ces histoires à trésor
Que le vent vous ressort
Sous le pavé qui dort,
Quand on perçoit encore
Des brigands les ardeurs,
Des marchés les clameurs,
Et puis comme des senteurs,
De ces miliers d’odeurs,
Qui resteraient d’hier,
De ces hommes si fiers,
A l’âme libertaire…
Venez pour un moment,
Vous donner de ce temps
Et vivre à contre-temps…
Qu’est ce donc qu’un sequin
Pour se sentir marin
Même sans aller très loin,
Même en restant terrien …
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Françoise Pédel Picard