Il était une fois un aigle noir
Depuis belle lurette, il est roi
Il régnait sur les bêtes du douar
Mais en réalité il ne guettait que sa proie
Depuis la cime des promontoires
Sois dans le champ ou dans la montagne
Soit dans la main des pauvres
Pourtant il craignait toujours le scandale
Il menaçait furtivement
De peur d'avoir un rival
Un jour il rassembla ses trois petits:
Vous avez bien grandi
Déjà vous avez beaucoup appris
Vous chassez la proie sans pitié
Je ne m'en doute point
De la force que vous avez
Mais une chose que devriez connaître
Cela ne sert à rien
Une force sans intelligence
Une intelligence sans force
Les petits n'ont pas compris
Ils croyaient qu'il s'agit d'une plaisanterie
Ou d'une simple moquerie
L'aigle noir reprit:
Mes chers petits
Comme vous voyez
Ma tête est devenue
Chauve et chenue
Avant que l'un de nos ennemis
Ne s'accapare de mon trône
Et ne nous jette dans la redoute
Demain matin....
Aux premières gouttes du crachin
L'un de vous prendra le relais
Le lendemain l'aigle noir
Ferma la porte à double tour
Et s'agenouilla à son tour
Pour apprendre la vie
A ses petits
Ö chers enfants!
Vous le savez sûrement
Je vous aime tous du même amour
Je ne désigne personne
Sur mon trône
Tous deux vous avez une force considérable
Et au règne sera indispensable
En revanche je vais tester votre intelligence
Celui qui répondra à ma question
Aura les clefs de mon gouvernement:
Ouvrez-bien vous oreilles
Et considérez mes mots sans faille:
Hier deux proies sont tombées sous ma main
Une furtivement volée à mon vizir
L'autre arraché de force à un derviche
On veut bien les dévorer à notre guise
Mais si la nouvelle sortait du palais
Tout le douar s'enragera et ce sera la crise
Comment les manger sans qu'aucun vorace
Ne découvre la moindre trace?
L'aîné prit la parole et dit : Mon cher papa...
Je trouve qu'il n'y ait de simple chose que cela
J'déplume mes proies d'abord
Et j'enterre les restes sous le bord
Le père ricana sardoniquement:
Ne songes-tu jamais à la vicissitude de la nature
Aux orages et aux ravages?
Qui déterrera ton secret tôt ou tard
Et comme ça la canaille prendra le pouvoir
Sois sûr que tu ne règneras pas
Et personne ne s'inclinera devant tes pas
Le deuxième prit la parole:
Mon cher père
Je mange la chair et j'enterre les plumes
L'aigle fronça les sourcils et tira ses moustaches
As-tu oublié cher fiston qu'aux temps des agrumes
Le fellah labourera ses lopins ,il découvrira les os de la proie
Il galvaudera la canaille et enfin le trône tombera de ta main
Sois certain que le sens du pouvoir de toi est très loin
Le sceptre est tombé de ta main
La cadet afficha un regard
Perdu dans la réflexion et devint hagard:
C'est une question très ardue
Mais pour garder mon le sceptre
Je m'arme de patience je ferme les pipières
Et j'avale d'un seul trait la proie toute entière
En chair et en os, aucune de ses traces ne demeurera sur terre
Le trône est sauvé !cria l'aigle noir en trépignant
Tu es le successeur mon feston !
Ta force n'a pas aveuglé ton intelligence
Dès ce matin, tu as les clés de mon palais
Tu es daigne de prendre le relais
Écoute feston ! Tu as les clés de mon trône
Que je ne cédais à personne
Tu feras de même avec mes neveux de demain
Le pouvoir ne s'échappe jamais de nos mains
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