Le fossé insalubre dans lequel je demeure est
encombré de jour en jour.
Pourtant, j’ai eu de beaux jours avant d’en arriver là .
Je peux dire que j’ai été riche. J’ai travaillé dure, ça
c’est vrai !
Mais quel bonheur c’était, une fois mon devoir accompli
de me reposer dans une magnifique pièce.
L’usure du temps a eu raison de moi, maintenant je ne
serre plus Ă rien.
Mon fossé est surchargé, ils veulent tous ma place.
Pourtant, j’ai été le premier, j’y ai donc des droits!
Mon voisin de gauche n’a pas eu une vie facile, il a
travaillé dans le transport de marchandises.
Souvent il m’envie.
Nous sommes cependant logés à la même enseigne.
Ma vie a été belle, durant l’année ça roulait plutôt bien.
L’hiver comme nombre d’entre-nous , je souffrais.
L’été j’en profitais au bord de la côte d’Azur.
Ma passion de la vitesse n’égalait que celle d’une bonne
tenue.
Cela allait de soi ! Maintenant, je ne suis qu’un détritus
bon Ă rien !
Mon nom ? Je m’appelais P3 : de la famille des Pirelli.
C’était joli et flatteur, n’est-ce pas ? Oh ! Certes je suis
usé jusqu’à la corde, mais j’aimerais tellement resservir
à quelqu’un.
Mon rĂŞve le plus fou serait de repartir sur les routes et
autoroutes.
Rouler à du deux cent Km/h, si seulement j’étais pris en
charge, oui je pourrais le refaire.
Maintenant, c’est la pluie qui me lave.
Même si je suis vieux, cela n’est pas ici que je devrais être.
J’ai été abandonné un jour, sans un mot, dans ce fossé.
Si je dois crever, autant que l’on m’incinère.
Je ne crois plus .
Moi, qui ai tant roulé sur les plates bandes, je suis incapable
de me déplacer.
Impotent, laid, inutile, polluant, voilĂ comment je me vois.
Un jour, un gosse m’a soulevé pour jouer avec moi.
J’ai cru que j’étais utile à nouveau.
Après quelques heures, il s’est lassé et m’a remis dans le fossé.
Peut-être un jour, pourrai-je en réchapper ?