Trous de mémoire…
Saurai-je encore faire l’amour
Si ces jours se font toujours
Vais-je oublier le goût des tendres
Lorsque je serai vieille d’attendre
Saurai-je encore déshabiller
Si doucement un homme
Que ses baisers de feu ardent
Feront de moi un âtre
Où se consument en rougissant
Les plus beaux sarments de l’automne
J’ai oublié ces mains qui passent
Sur grain fragile de peau nue
Et les petites fraises fines
Soudain dressées toutes mutines
Et puis morsures un peu coquines
Tandis que se cambrent les désirs
Aurai-je un jour encore envie
De plonger vers l’intime offert
De prendre en bouche bien gourmande
Ce dont j’ai oublié la vue
Pourrai-je guérir des mille plaies
De ces humiliations sordides
Des cris des vols des viols de moi
De ceux qui m’ont laissée exsangue
De ceux qui ne voulaient que ça
Verrai-je un jour en vrai sourire
Un homme qui me respectera
Qui ne me verra ni proie ni ombre
Mais chair brûlante et cœur d’émoi
Qui partagera ma couche tendre
Mais aussi mes hauts mes bas
Me sera-t-il donné de vivre
Après ces mille morts de froid
Je rêve tant d’écrire le livre
D’un soleil tout éclatant des joies
O faites qu’un jour il revienne
Ce temps simplissime où d’un regard
Les vies adviennent
J’espère retrouver mémoire
Et tout doucement me souvenir
D’abord ces yeux qui brillent phares
Et puis la bouche toute enivrée
Le corps entier bat la chamade
Et tu me fais tant chavirer
Que j’en oublie les restes du monde
Tirant rideau sur mes immondes
Lavé l’affront je suis ta vierge impure
Offerte comme neuve épure
En épousailles consenties
Qui dureraient mille et une nuits.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...